
Depuis le début de l’année, près de 10 400 interceptions de migrants ont été réalisées par les forces de l’ordre à la frontière franco-italienne dans les Alpes-Maritimes. Après une légère baisse, les tentatives de passage repartent à la hausse ces dernières semaines. Mais les contrôles policiers accrus et la militarisation de la frontière poussent les exilés à prendre encore plus de risques pour les contourner.
Des refoulements à répétition depuis le début de l’année. Près de 10 400 interceptions de migrants ont été menées par la police française à la frontière franco-italienne dans les Alpes-Maritimes, au niveau de Menton, selon les chiffres du préfet Laurent Hottiaux au Figaro. "Nous avons constaté une baisse de 8% depuis huit mois mais les flux demeurent importants", rapporte-t-il, en précisant qu’en moyenne, entre 200 et 300 personnes sont arrêtées et renvoyées vers l’Italie chaque semaine.
"Depuis trois semaines, les flux repartent à la hausse", ajoute-t-il, décrivant des journées où les forces de l’ordre interceptent entre 50 et 80 personnes par jour. Au total, les autorités estiment qu’elles réaliseront autour de 15 000 interpellations d’ici la fin de l’année. Autant qu’en 2024, mais bien loin des 44 000 de 2023. Toutefois, attention au biais statistique de ces chiffres : de nombreux exilés sont refoulés à plusieurs reprises et donc comptabilisés plusieurs fois. (...)
Frontière hautement militarisée
Les contrôles policiers se sont largement renforcés ces dernières années le long de cette frontière entre la France et l’Italie. Laurent Hottiaux précise qu’entre 250 et 300 agents sont actuellement mobilisés chaque jour à la frontière pour surveiller les différents axes de passages - ferroviaires, autoroutiers ou pédestres -, en plus d’opérations aériennes réalisées chaque semaine et du travail conjoint de la gendarmerie, la douane et les militaires de Sentinelle avec la police aux frontières. "Nous devons réduire l’attractivité de cette frontière", déclare le préfet au Figaro.
De leur côté, les associations de droits humains dénoncent régulièrement "les violations des droits des personnes migrantes", leurs "mises en danger" et les "contrôles discriminatoires" depuis le rétablissement des contrôles entre les deux pays. (...)
Il y a dix ans, les autorités commençaient à instaurer un contrôle systématique à la frontière franco-italienne - dont la légalité, déjà à l’époque, était contestée. Cette réintroduction des contrôles aux frontières intérieures a été officialisée en novembre 2015, initialement dans l’optique de la COP21, puis au motif des attentats du 13 novembre 2015.
Depuis, la France reconduit ce dispositif tous les six mois. Ce type de surveillance est autorisé par le code Schengen "en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État". (...)
Sur le terrain local, les associations constatent que les refoulements ont bel et bien repris depuis l’hiver dernier. "On a recueilli plusieurs témoignages de personnes qui ont exprimé leur volonté de demander l’asile mais soit elles ont été totalement ignorées, soit les conditions d’entretien étaient inadaptées, parfois sans interprète", racontait en décembre 2024 à InfoMigrants Isabelle Lorre, coordinatrice du programme Migration frontière transalpine à Médecins du monde.
Cependant, les ONG ont aussi pu arracher quelques progrès ces derniers mois. "Grâce à la pression que nous avons exercée, nous avons obtenu des avancées, notamment pour les mineurs non accompagnés qui ne sont plus renvoyés systématiquement en Italie mais, quand leur minorité est reconnue par la police aux frontières, remis à l’Aide sociale à l’enfance", notait Christine Poupon, représentante d’Amnesty international dans les Alpes-Maritimes, auprès de l’AFP en juin dernier.
"Récemment, nous avons pu observer aussi que certains migrants étaient relâchés avec une convocation pour se rendre à la plateforme des demandeurs d’asile à Nice", complétait-elle.
Près de 50 migrants décédés à la frontière en dix ans (...)
Certains marchent le long de la voie ferrée, de l’autoroute, ou montent dans des camions. La région la plus mortifère est celle de ce passage Vintimille-Menton. Le week-end du 20 septembre, sept exilés ont été interpellés le long du sentier escarpé dans la montagne - entre 7 et 10 heures de marche - surnommé "le sentier de la mort". Parmi eux, un a chuté et a été gravement blessé, selon les autorités.
D’autres tentent de passer plus au nord et de traverser les montagnes des Hautes-Alpes à pied, en empruntant des chemins extrêmement périlleux du col de Montgenèvre, situé à 1 850 mètres de hauteur, ou plus rarement celui de l’Échelle. (...)
"Le territoire alpin a été rendu hostile. Les gens se sont mis à passer surtout la nuit pour éviter les contrôles. Leurs manières de passer sont ainsi devenues plus dangereuses", expliquait la chercheuse Cristina Del Biaggio en février à InfoMigrants. "Sur les personnes en exil décédées dans les Alpes depuis 1993, 72% ont trouvé la mort après 2015."