
“Mon corps abandonne.” Dans une lettre, Abu Abed Moughaisib, coordinateur de MSF, explique être victime de la famine qui sévit à Gaza. Sur les réseaux, plusieurs artistes donnent, chacun, à ses mots l’écho qu’ils méritent.
Au hasard des déambulations frivoles sur les réseaux sociaux auxquelles l’été laisse la bride sur le cou, des voix graves ont créé la surprise. Celles de Jeanne Balibar, de Corinne Masiero et de Swann Arlaud, lisant tous trois, dans des vidéos différentes, le même texte. Qu’on a retrouvé, sur Facebook, Instagram ou TikTok, porté par d’autres artistes encore, comme les chanteuses Pomme et Yoa, faisant résonner les mêmes mots. Ceux du docteur Abu Abed Moughaisib, coordinateur de l’action de Médecins sans frontières (MSF) à Gaza depuis plus de vingt ans, dans une lettre qu’il a écrite le 20 juillet dernier. La voici.
« Gaza bonjour. J’ai parlé de la faim et de la malnutrition, de son impact sur les enfants, les femmes enceintes et les familles déplacées. J’ai parlé de l’effondrement du système sanitaire, de l’insécurité alimentaire, des souffrances quotidiennes. Mais je n’aurais jamais imaginé vivre ça moi-même. Depuis un mois, je ne me nourris que d’un repas par jour. Ces derniers temps, d’un repas tous les deux jours. Pas parce que je ne peux pas me permettre d’acheter de la nourriture, mais parce qu’il ne reste plus de nourriture à acheter. Les marchés sont vides. J’essaie d’apaiser la douleur dans mon estomac avec tout ce qui peut se manger. Je n’ai plus d’énergie. Mon corps abandonne. Et je ne suis pas le seul. Tout le monde dans le secteur médical souffre de la même faim. Nous soignons des patients affamés, en étant nous-mêmes affamés. Les chauffeurs d’ambulance qui amènent les blessés : eux aussi sont affamés. Nous sommes censés sauver des vies, alors que la nôtre se dégrade petit à petit. Ce n’est pas juste la faim, c’est le lent effondrement de la vie, de la dignité et de l’humanité. »
(...) Sous le titre Gaza Hell@, Gaza Bonjour, le docteur Abu Abed Moughaisib a écrit plusieurs lettres, relayées depuis le début du mois de juin par le compte Instagram de Médecins sans frontières. Toutes se distinguent par une écriture forte et singulière, à la fois posée, réfléchie, sensible et presque poétique, mais aussi directe et violente que la réalité évoquée. Ainsi, dans la lettre Gaza Hell@ du 9 juin dernier, cet éloge des lentilles,
« humbles, silencieuses, ignorées », qui évoque déjà la faim à Gaza et s’achève sur ces phrases terribles : « Pendant que les responsables discutent, les lentilles agissent. Pendant que le monde débat, les lentilles sauvent. Le monde ne les retiendra peut-être pas, mais chaque mère se souviendra du bol de lentilles qui a sauvé son enfant. Alors, au monde : vous nous avez abandonnés. Aux lentilles : merci d’être là. »
(...) Dans le brouhaha des réseaux sociaux, ces porte-voix ont aussi eu le talent de faire retentir le silence qu’ils sont venus briser.
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Amnesty International
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