
En Charente-Maritime comme ailleurs, la fédération départementale de chasseurs a mobilisé ses adhérents : depuis plusieurs semaines, les pancartes fleurissent le long des départementales et à la sortie des villes : “Vive la chasse !” “sauve un chasseur, mange un écolo”, “merci Agnès” ou encore “non à l’intolérance !” (oui). Ils sont allés jusqu’à déployer une immense banderole sur le Fort Boyard, ce qui ne peut se faire que grâce à des moyens conséquents et un soutien passif des autorités. Pourquoi les chasseurs se mobilisent-ils en pleine canicule ? N’ont-ils pas mieux à faire ? (...)
Presque toute la classe politique se mobilise d’ailleurs à leurs côtés, en ces jours de canicule historique où l’on pourrait croire que ces adversaires assumés de l’écologie ne sont pas la priorité du moment. Le 27 juin, l’ex-Premier ministre bourgeoisiste Edouard Philippe s’est rendu à leur rencontre à Dieppe, a écouté leurs doléances et, “à l’écoute”, il “s’est engagé à transmettre ces préoccupations au gouvernement.”
Plus surprenant, le député de gauche de Picardie et candidat à la présidentielle François Ruffin s’est fendu d’un communiqué, sur sa page Facebook officielle, pour soutenir les chasseurs. S’adressant à la ministre de l’Ecologie, il la sermonne en ces termes : “Madame la ministre, Vous avez pris, à la hâte, sans discussion, sans concertation, des décisions concernant la chasse. Notre pays est inflammable, et également la Picardie. Aussi, je vous demande d’en revenir au dialogue avec les premiers concernés, avec les associations, de se donner le temps de l’échange. Sur ce dossier, comme sur d’autres, votre gouvernement devrait viser l’apaisement, dans une France divisée, sous tension. Ne rallumez pas la guerre des chasses dont notre région a souffert. Avec mes sentiments républicains, François Ruffin.” (...)
Mais quelles sont donc ces terribles décisions que le gouvernement a prises, qui mettent les chasseurs en colère et qui suscitent la compassion d’un député de gauche ?
La mise en œuvre d’un jour garanti sans chasse, pour protéger les promeneurs et les sportifs, comme le veulent 78% des Français sondés et comme c’est le cas au Portugal, au Pays-Bas, en Italie et dans plusieurs régions espagnoles, allemandes et suisses ?
Une baisse des aides publiques aux fédérations de chasse, qui sont passées, durant les années Macron, de 27 000 euros en 2017 à 6,3 millions en 2020, puis à 11,46 millions d’euros en 2021 ? Au point que le coût du permis de chasse a été réduit de moitié, augmentant considérablement le nombre de licenciés ?
Pas du tout. Cette catégorie de la population opprimée – qui est composée à près de 30% de cadres et professions intellectuelles et majoritairement d’urbains, contrairement aux tenaces idées reçues – se bat contre un tout autre fléau : le gouvernement prévoyait d’augmenter le nombre d’espèces protégées et de réduire certaines périodes de chasse. (...)
En février dernier, la Commission européenne avait annoncé poursuivre l’Etat français en justice pour violation de la réglementation concernant la protection des oiseaux sauvages. Un an auparavant, l’Union Européenne avait mandaté des scientifiques pour faire l’état des lieux des populations d’oiseaux migrateurs et les conclusions étaient alarmistes : aussi, l’UE avait réclamé à ses États membres des moratoires temporaires (...)
Contrairement à ce que dit Ruffin, soutien des chasseurs (il était présent lors de l’Assemblée générale (AG) des chasseurs de la Somme en mars dernier, n’ayant apparemment pas plus urgent dans son agenda), il y a bien eu concertation : mais celle-ci a été boycottée par la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et son président, Willy Schraen. (...)
17 000 personnes ont signé une pétition (plus d’un million avait signé celles contre la réforme des retraites), les députés comme Ruffin et tant d’autres sont montés au créneau, des mobilisations locales ont eu lieu… et le gouvernement s’est couché : aucune espèce ne sera protégée. (...)