
Si la cause de l’illibéralisme effréné, de la trumpisation généralisée, du néofascisme endémique se trouvait aussi, simplement, dans la peur des peuples à mourir de soif, de faim, noyés ou écrabouillés sous les montagnes.
Et à cette facilité des mêmes peuples à se jeter dans les bras de la brute qui se dit plus forte que la grêle et le vent, plus puissante que tous les feux de forêt, bref le dieu des dieux, Zeus soi-même.
Sauf que…
Les soi-même dieux d’Olympe sont devenus des tristes sires d’aujourd’hui et les mythologies de maintenant se réduisent à des écrans de smartphones ou des connexions réseautiques du plus bas niveau.
Dorénavant, les dieux s’avèrent des hommes brutaux, sauvages, moches et dont les bites dépassent du froc, sadisation et prédation à la clé !
Naît devant nous, avec nous, l’angoisse de mort planétaire en mode pôles qui fondent, niveau de la mer qui monte, océan qui se réchauffe, Mer Méditerranée qui bout, cyclones, typhons et le reste n’est que détails de l’histoire : clim à fond et green-bashing.
On ne dira pas qu’on ne savait pas !
Il se pourrait qu’on doive corréler la dérive politique néofasciste tendancielle et cet état de fait anthropique. (...)
Changement d’ère et non-droit à tous les étages !
Prime à l’Est au fascisme poutinien, sans discontinuer depuis 1917 (sauf Glasnost). Prime à l’Ouest à l’errance trumpienne à seul dessein de provoquer et vendre plus, donc spolier davantage. Prime au Sud aux coups de force, coups d’état et, surprise du chef, la prime au sultanisme commerçant, au nationalisme néofasciste indien et à la toute-puissance chinoise en mode numérisation du citoyen et annihilation des libertés fondamentales.
Quel que soit le côté du monde vers lequel notre regard se tourne, la prime n’est ni à la sophistication idéelle ni à la pensée complexe mais au contraire à la simplification, au binaire, zéro-un-zéro, voire à la bêtise la plus brutale.
Simplification contre sophistication, c’est l’équation.
C’est la panique mondiale.
Le négationnisme est une des solutions qui l’emportent en ce moment pour y répondre. (...)
Il nous faut tout écouter à l’envers pour continuer de discriminer le vrai.
L’humain est sûrement fasciné par le pire en lui. Le ministre du budget a des comptes en Suisse, et le nie. Le prétendant à la présidentielle, bien noté par les sondages, passe à l’acte pour foirer sa vie – et la présidence ! Le plus hargneux dit que la paix est son œuvre.
Plus ils dénient et colportent la dénégation, plus aussi ils entraînent les foules dans une appétence démagomagique autant que dénégatrice. Le café du commerce s’est emparé de la Maison blanche, du Kremlin et du Parti Unique Chinois. Aucune retenue. Le vulgaire s’érige en code, les tweets en évangiles et l’attaque frontale, ad hominem, en norme sociale. (...)
La dénégation comme mode affirmatif.
L’injure comme mode performatif.
Nous pouvons aller jusque penser que c’est la panique qui pousse au sommet du pouvoir le plus imbécile, le plus individualiste, le plus égocentrique, le moins intéressé par la survie de l’espèce et de l’espace et, partant, le pire des tyrans.
Nous allons tenter de le dire autrement. Recourons à une vieille antienne freudienne. (...)
La solution illibérale permet face à la planète qui flambe d’allumer à fond les chalumeaux. (...)
D’un point de vue psychanalytique, un, les totems et tabous ont volé en éclats et, deux, le refoulé pendant des siècles ressurgit et trois, on est attiré par le pire.
L’angoisse de mort pousse à la mort, à en faire l’expérience au lieu, pendant longtemps, de la sacraliser, l’éviter ou la fuir. (...)
L’humain file en général vers ce qui lui fait le plus de mal en réfléchissant après, contrairement à Prométhée. Selon l’hypothèse que même Trump a un inconscient, l’humain, car Trump est un humain, fait semblant, triche, joue, se croit immortel.
Le pragmatisme est dans toutes les bouches néo-fascistes. Il suffit d’un problème et la solution est pragmatique. L’idéologie pragmatique est la pire, car impensée, aléatoire, disruptive, erratique.
L’autre expression néofasciste en cours est d’en appeler au bon sens. Le bon sens est un fourre-tout pour fourrer l’autre en tant qu’un adversaire, c’est l’arme fatale du dominant.
Bon sens et pragmatisme, écoutons Le Pen, Bardella ou Retailleau, trumpiens à la petite semaine, leur discours en est saturé.
Les artisans du chaos jouissent d’ajouter leur part de chaos. (...)
Ils explosent tout ce qui retenait un peu, empêchait un peu : les codes, les savoir-vivre, les repères moraux, la civilité.
C’est la théorisation de l’insécurité générale.
L’illibéralisme passe par le permis de porter une arme, de se défendre. Qui sème la jungle récolte le crime, le vol, la haine.
Qui sème la jungle récolte les safaris, les pogroms et les lotissements enclos ou les immeubles à codes, les rues fermées, les portes trois points ou les maisons bunkerisées.
L’époque est mondialement troublée. (...)
Parallèlement à la montée des eaux, celle du fascisme.
C’est aussi simple que cela.
Corrélée aux dérèglements climatiques, le dérèglement politique.
L’intelligence aurait pu prendre le dessus, les experts, les scientifiques, les philosophes, les sociologues, les écrivains, les forts en thème, Nobel ou non, eh non, perdu ! Ce sont les cons, les manipulateurs et les despotes.
Les camelots et les charlatans, les vendeurs de rêves et les gourous. Dommage.
Et les commerçants !
L’hubris des uns se nourrit du collapse général !
Pourquoi le fascisme est-il corrélatif de cette apocalypse en cours ?
Un : en mode eschatologique. Parce que l’homme est puni par où il a pêché.
Redevenons sérieux. En mode réaliste : parce que dans la déroute, c’est celui qui a la plus grande gueule qu’on entend, la plus grosse fortune qui fait la une, la plus grosse bite qu’on voit, le plus bel organe qu’on admire. Le phallique, pile au moment où le patriarcat est tant remis en question à juste titre, pousse ses (derniers ?) feux. (...)
La comparaison est ontologique. Et ne pouvant se comparer à l’idéal (l’homme le plus riche du monde !), on hait le voisin, le proche, le familier, le gitan, le juif, l’arabe, bref tout ce qui ne souffre pas la comparaison. Le moche, le handicapé, le migrant, le pauvre, évidemment, le pauvre.
Indifférence individualiste, nostalgie d’ordre et comparaison se marient et font un moche bébé : le néofascisme.
Sauf que !
À côté de ce monstre qui accouche de monstres, il y a la commune, les communs, les générations alternatives, le refus (générationnel) de marcher dans la combine. Nous nommons, à l’extérieur du cercle, le voyageur (à pied ou en vélo !), le marginal, le raveur ou davantage sur le cercle l’économie sociale et solidaire et, carrément à l’intérieur du cercle : les équipes de travailleurs sociaux, les bénévoles, les réseaux de voisins, les jardins ouvriers, les crowdfunding, les chorales, les pique-niques sur les quais.
Partout.
Au Brésil, en France, en Europe, des communautés s’allient. Des GAEC se créent. Des petits marchés de producteurs. Des collectifs, des compagnies de théâtre ou de cirque, des lieux de paroles, des trocs de savoirs et de service. Bref des possibles minuscules dans le chaos majuscule qui prend la tête.
Repos.
Pour nous reposer, fréquentons davantage ces radios locales hyperlocales, ces réseaux d’AMAP ou de circuits courts, ces centres médicaux avec des médecins rares mais ouverts, humanistes.
Humaniste ? Oui, humanistes.
Des hôpitaux publics qui refusent l’abattage et font avec les moindres moyens du bord (...)
Aussi des enseignants.
Des résistants qui partent quatre jours à quatre cents kilomètres avec les enfants de leurs classes. Ils ont été autorisés exceptionnellement par leur hiérarchie à conduire leurs voitures personnelles. Incroyable ! En France. En juin 2025 !
Le fascisme ne s’imposerait donc pas !
Dont acte. Les jardins sont cultivés.
Les programmations de théâtres appauvris restent intellectuellement riches, cf la Région Pays de Loire.
La culture est la première chose que le néofascisme arase.
Eh bien non, messieurs les censeurs qui encensent le folklore, le patrimoine, les défilés militaires et les danses sans transe, non, les résistants résistent. L’art, l’enseignement, le soin sont vernaculaire, tentaculaires, innovants, créatifs. On peut parier que face à la fascisation générale, la culture, le langage, le logos s’en sortiront !
On n’a pas dit qu’ils vaincront.