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Harcèlement sexuel à la SNCF : affaire étouffée, lanceur d’alerte sanctionné
#harcelementsexuel #SNCF
Article mis en ligne le 12 avril 2025
dernière modification le 10 avril 2025

Deux femmes intérimaires à la SNCF témoignent du harcèlement sexuel subi de la part d’un même agent. Malgré un signalement, ce dernier n’a pas été sanctionné. Le délégué syndical qui a relayé l‘alerte risque en revanche une mesure disciplinaire.

(...) Pour rappel, le Code du travail prévoit explicitement que l’employeur prenne « toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner ».Lorsque qu’un signalement pour harcèlement sexuel remonte à la SNCF, l’entreprise « doit pouvoir entendre, en sa qualité d’employeur, l’ensemble des protagonistes et prendre connaissance de tous les éléments produits », abondent les services de communication de la SNCF, sollicités par Rapports de Force. La hiérarchie de secteur peut tout à fait « prendre des mesures conservatoires en vue d’une suite disciplinaire ». Les responsables locaux présents lors de cette réunion du 7 janvier n’ont pas donné suite à nos sollicitations. (...)

Lou-Anne porte plainte, le 29 janvier, à la gendarmerie de Persan. Elle y écrit : « J’avais la boule au ventre en venant au travail. » Et insiste sur la réputation de harceleur sexuel qui précède cet agent : « Ce n’est pas la première fois qu’il a eu ce genre de comportement ».

Plus d’un an auparavant, une autre jeune femme avait alerté. Sans suite. En 2023, Jade*, saisonnière âgée de 18 ans, s’est aussi retrouvée en gare avec Laurent V. Dès les premières minutes passées à marcher dans la gare avec lui, « il s’est montré très insistant, témoigne-t-elle aujourd’hui. Il me faisait des allusions, il me répétait : “Tu es très belle, moi ma femme ça va pas, je vais la quitter” ; “Moi je vais en boîte avec des filles de ton âge”… En général, il attendait qu’il n’y ait personne autour pour me dire ça. »

Pour Jade* non plus, le harcèlement ne s’est pas arrêté au lieu de travail (...)

Le lanceur d’alerte dans le viseur

Combien d’autres victimes ? Et depuis combien d’années ?* « Beaucoup de femmes ne veulent pas travailler avec lui », assurent Lou-Anne et Jade*. Des noms d’autres femmes, victimes du même individu, circulent. Nous avons tenté de recueillir leurs témoignages, mais en parler ouvertement, comme Lou-Anne, est difficile : c’est un milieu où tout se sait, très vite.

« J’avais eu vent de l’histoire de Jade*. Des collègues m’ont parlé du fait qu’il avait été insistant avec elle, explique Anthony Auguste, le délégué Sud Rail. Mais à ce moment-là, aucun délégué ne s’est accroché à cette histoire qui est restée lettre morte. » Comme nos interlocutrices, il dresse le portrait d’un agent « peu apprécié » par les collègues, avec des pratiques de travail vis-à-vis des usagers décriées. Lorsque l’affaire de Lou-Anne lui vient aux oreilles, le syndicaliste est donc convaincu qu’il ne faut plus laisser passer.

Le 5 février, voyant que rien ne bouge depuis le mail du 14 janvier de l’intérimaire à la direction régionale et d’établissement, il rédige à son tour un mail, adressé aux mêmes interlocuteurs, aux élus CSE, CSSCT et à la médecine du travail, déplorant une inaction à tous niveaux. En réponse au mail du syndicaliste, la médecin du travail confirme : « J’ai en effet reçu très récemment des agents en mal-être me parlant de problème d’attitude déplacée et de propos sexistes sur le secteur de Monsoult. L’état psychologique de ces agents m’inquiète et une action me paraît nécessaire et urgente. »

Lanceur d’alerte sur le sujet, Anthony Auguste a pourtant été convoqué jeudi 10 avril par sa hiérarchie. Une sanction supérieure au blâme avec inscription au dossier du salarié – ce qui peut avoir des conséquences sur son évolution dans l’entreprise -, est envisagée contre lui. Un conseil de discipline pourrait aussi avoir lieu à la suite.

Que lui est-il reproché ? Un rassemblement le 26 février en soutien à Lou-Anne s’est organisé entre certains collègues, pour peser sur la situation, toujours stagnante à ce moment-là. (...) (...)

’au niveau national, la SNCF affiche une « politique “tolérance zéro” », d’après le service de communication que nous avons contacté. Réseau de référents éthiques, de référents harcèlement sexuel, e-learning, campagne de sensibilisation… Depuis 2021, cette politique s’est aussi traduite par « 57 licenciements prononcés par l’entreprise pour des situations en lien avec des agissements et/ou propos sexistes ou sexuels », recense la SNCF.
Enquête interne à la SNCF

Une enquête interne est finalement déclenchée en mars, avec l’appui d’un cabinet extérieur. Entre-temps, l’inspection du travail a commencé à mettre le nez dans l’affaire. « À ce stade, à la suite d’une alerte, une enquête interne est en cours d’instruction conformément à notre politique “tolérance zéro” et nos engagements dans la lutte contre les propos sexistes et violences sexuelles », confirme la SNCF.

Trois mois presque jour pour jour après sa première alerte, le 19 mars, Lou-Anne est enfin entendue dans le cadre de cette enquête interne. Anthony Auguste ne se fait pas d’illusions : « On le sait depuis des années, tout cela est un peu pipé ». Le syndicaliste compte donc sur le fait de rendre visible cette histoire : « Il faut qu’ils comprennent que ce n’est pas anodin. Que les victimes doivent réellement être mises en sécurité. »

L’intérimaire harcelée n’est pas renouvelée (...) Sur les quatre intérimaires de Monsoult, elle est la seule à n’avoir pas été renouvelée. (...)