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Basta !
Ils enchaînent jusqu’à 90 contrats précaires pour la même entreprise, sans jamais passer en CDI
#contratsprecaires #proceduresbaillons #SEPUR
Article mis en ligne le 5 février 2025

Spécialisée dans la collecte de déchets, la société Sepur est accusée de recourir illégalement au travail intérimaire, alors que 250 collectivités font appel à ses services. Attachée à sa réputation, l’entreprise a engagé des procédures-bâillons.

Il a été équipier de collecte – celles et ceux qui se tiennent à l’arrière des camions-bennes pour ramasser les poubelles – puis chauffeur. En un an et demi, il a enchaîné 56 contrats de travail pour collecter les déchets de la communauté de communes du Val d’Amboise (Indre-et-Loire).

Car D. J. n’a jamais été embauché en CDI, mais toujours employé comme intérimaire, entre mars 2022 et novembre 2023 au sein d’une société de collecte, de gestion et de tri des déchets, Sepur. (...)

Après des débuts chaotiques, où il doit rappeler à son employeur qu’il doit être payé, D. J. se rend progressivement compte qu’il ne perçoit pas les primes que touchent les salariés en CDI : versement du 13e mois, prime quand on est seul à l’arrière du camion, compensation pour le temps d’habillage et de déshabillage avant et après la prise de service, ainsi qu’un bonus « qualité sécurité » quand il n’y a aucune casse sur la tournée. Constater que toutes ces primes lui passaient sous le nez pendant des mois l’a fait « sortir du bois », explique-t-il, alors que son contrat n’est pas renouvelé. Il se décide à attaquer Sepur aux prud’hommes.

Après plusieurs mois de procédure, en décembre 2024, le conseil des prud’hommes de Bobigny (Seine-Saint-Denis) rend sa décision. Les dizaines de contrats de travail qu’a cumulés D. J. sont requalifiés en CDI. Son licenciement est jugé sans cause réelle ni sérieuse. Les conseillers prud’homaux ordonnent ainsi à Sepur de verser au total plus de 20 000 euros à l’ancien chauffeur (l’entreprise pourrait faire appel de cette décision).

Il n’est pas le seul dans cette situation. (...)

Lors des audiences aux prud’hommes, Sepur a tendance à reconnaître l’irrégularité des CDD à répétition : sa stratégie de défense consiste à minimiser les indemnités à verser à l’intérimaire et à éviter le signalement au procureur de la République. (...)

40 % des travailleurs sont des intérimaires (...)

Au total, au moins quatorze décisions prud’homales ou de cours d’appel ont requalifié des contrats d’intérim en CDI, auxquelles s’ajoute une poignée d’accords amiables passés entre la société et d’anciens intérimaires fatigués par les longues démarches judiciaires, ou ne pouvant attendre plusieurs années pour toucher les primes non versées. Soit 2 000 contrats de travail en tout, pour une petite vingtaine de personnes.

Le nombre de procédures pourrait encore augmenter, compte tenu du nombre d’intérimaires chez Sepur. (...)

Un business de marchés publics (...)

Thomas Portes, député (LFI) de Seine-Saint-Denis, s’est emparé du sujet et a adressé fin novembre 2024 une question au gouvernement pour attirer l’attention du ministre de la Justice sur les pratiques de cette société en matière de travail temporaire. (...)

Sepur, dont l’actionnaire majoritaire est un fonds d’investissement basé au Luxembourg, revendique son statut d’entreprise leader dans le domaine de la collecte des déchets en Île-de-France et continue de gagner des marchés. Un point commun à chaque fois : son business dépend de l’argent public, puisque la société est payée par quelque 250 collectivités territoriales pour ramasser les déchets de 10 millions d’habitants. (...)

Procédure contre des journalistes et l’inspection du travail (...)

en 2021, Sepur porte plainte en diffamation contre plusieurs médias (France Inter, L’Humanité, Le Monde) après la publication d’articles révélant des pratiques d’embauche et d’extorsion de travailleurs sans-papiers. Une « procédure-bâillon », ont dénoncé des sociétés de journalistes, qui s’est terminée par la relaxe des prévenus.

Plus inédit, l’entreprise Sepur avait porté plainte en 2017 pour tentative de chantage contre une inspectrice du travail et sa hiérarchie. Cette dernière n’avait fait que son travail (...)

les agents de l’inspection du travail ont été relaxés et la société Sepur ainsi que son dirigeant, condamnés à payer des amendes pour procédure abusive (15 000 et 10 000 euros), puis une nouvelle fois condamnés pour dénonciation calomnieuse dans un second procès. (...)

Malgré l’accumulation des jugements à l’encontre de la société Sepur, le parquet de Versailles (juridiction dont dépend son siège social) ne fait pour l’instant pas grand-chose, si ce n’est superviser une enquête de l’inspection du travail sur la société, initiée en 2021 et toujours en cours. (...)