
« Submersion migratoire », « vol du travail » des Français, « appel d’air » créé par notre système de soins... Basta ! s’attaque à cette désinformation propagée par les responsables RN et qui occupe une place centrale dans nombre de médias.
Sondage après sondage, il apparaît qu’une majorité de personnes, en France, ont peur de l’immigration. Pourquoi ? Une étude d’opinion réalisée par le Musée de l’histoire de l’immigration, en partenariat avec l’Ifop, donne des éléments de réponse. Elle montre une méconnaissance de la population sur le sujet. (...)
Préjugé n°1 : Il y aurait une « submersion migratoire » en France
C’est une expression récurrente de Jordan Bardella. Mais la « submersion migratoire », synonyme d’immigration massive, est avant tout un fantasme de son camp politique. Au 1er janvier 2022, l’Insee comptait dans la France entière (métropole et Outre‐mer) près de 7 millions d’immigrés sur 67,6 millions d’habitants, soit 10,3% de la population.
La catégorie « immigrés » retenue par l’Insee inclut non seulement 4,5 millions d’étrangers mais aussi 2,5 millions de personnes ayant acquis la nationalité française [2].
Si l’on regarde le nombre total de titres de séjour accordés, il est passé de 193 000 en 2005 à 311 000 en 2022. Les 117 000 titres supplémentaires sont dus pour 51% aux étudiants internationaux, pour 27% aux travailleurs qualifiés, et dans une moindre mesure (15%) aux réfugiés reconnus ou régularisés. La migration familiale, qui fait l’objet d’une fixation obsessionnelle dans le débat public, n’est pour rien dans la hausse générale des titres : elle a baissé de 4% sur l’ensemble de la période ! Le regroupement familial n’a par ailleurs rien d’automatique, contrairement aux allégations propagées par le RN.
En 2020, la part de la population née à l’étranger comparée à la population totale du pays est de 13%. À titre de comparaison, la Suède est à près de 20%, et la Suisse à 30%. La France est donc loin d’un tsunami migratoire. Elle n’est pas la plus attractive en Europe, bien au contraire.
Préjugé n°2 : L’immigration coûterait cher à la France (...)
Préjugé n°3 : Notre système de soins créerait un « appel d’air » (...)
Préjugé n°4 : L’insécurité et l’immigration seraient liées (...)
Des recherches montrent que la presse renforce les croyances initiales sur le lien entre immigration et délinquance en reportant plus systématiquement les infractions commises par les immigrés ou en divulguant de manière plus fréquente l’origine des suspects lorsqu’ils sont immigrés. Si l’on élimine les bais précédemment évoqués, la conclusion des études en sciences sociales est sans appel : l’immigration n’est pas à l’origine d’une augmentation des taux de délinquance.
Préjugé n°5 : Les immigrés « voleraient » le travail des Français·es
En France, un emploi sur dix est occupé par une personne immigrée, européenne ou non. C’est un emploi sur cinq en Île-de-France, note la chercheuse Ekrame Boubtane. Ces travailleurs et travailleuses « sont surreprésentés dans des métiers caractérisés par des conditions de travail relativement contraignantes et/ou des métiers en tension », souligne-t-elle. Ils et elles sont également plus exposé·es aux contrats précaires, à durée déterminée ou à temps partiel. La situation est plus difficile pour les demandeurs d’asile, qui « ont un parcours migratoire plus difficile que les immigrés qui arrivent dans le cadre professionnel ou dans le cadre familial », à cause de leur statut précaire dans le pays.
Il semble difficile que les immigrés récemment arrivés puissent « voler » le travail des Français·es, notamment car « ils ont généralement moins de choix au départ en matière d’emplois, soit parce que leurs possibilités de travail sont limitées par leur titre de séjour, soit parce que l’accès à certains emplois requiert une reconnaissance formelle des qualifications ou une maîtrise approfondie du français », écrit Ekrame Boubtane. La littérature scientifique a du mal à établir une causalité entre l’immigration et la santé du marché du travail. (...)