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Interroger l’écosystème grenoblois de l’accueil par la cartographie de personnes exilées
#Grenoble #cartographie #exiles #immigration
Article mis en ligne le 26 octobre 2025
dernière modification le 21 octobre 2025

Ce texte s’inspire d’un travail de recherche mené dans le cadre d’un mémoire de master en géographie sociale (parcours Géopoésice, Université Grenoble Alpes) autour de la spatialité de la politique d’accueil de la municipalité de Grenoble et de ses effets sur la réponse aux besoins des personnes exilées. Le mémoire s’inscrivait en parallèle d’un stage de cinq mois au sein du projet « hospitalité et interculturel » de la Ville de Grenoble. Son objectif était d’analyser la manière dont les personnes exilées perçoivent l’écosystème grenoblois de l’accueil, pour ensuite la mettre en regard avec les discours et les politiques de la municipalité en matière d’accueil.

Déroulé du projet

Afin d’éviter de reproduire le format des entretiens administratifs auxquels les personnes exilées sont régulièrement confrontées, la méthode d’enquête a été pensée selon une approche collective et participative par la cartographie participative. Elle a permis d’explorer la dimension spatiale du sujet d’étude ainsi que la multiplicité de lieux pouvant participer à l’accueil sur le territoire grenoblois. Dans une démarche de recherche-action visant à trouver des leviers de transformation utiles socialement, nous avons choisi de produire une carte qui permettrait d’aider les personnes exilées arrivant sur le territoire grenoblois à repérer les lieux qui répondent à leurs différents besoins. Les participant·es sont positionné·es en tant qu’expert·es du sujet, ce qui facilite le partage d’expériences, dans la mesure où il s’opère de manière indirecte, sans mobiliser la sphère de l’intime. (...)

La gare et les arrêts de transports en commun : des repères sur le territoire

Nous avons créé cette carte autour des arrêts de transports en commun, points par lesquels les participant·es vivent et explorent la ville, et qui leur permettent d’accéder à l’ensemble des endroits identifiés.

Nous avons décidé de dessiner sur la gare un point « vous êtes ici », car il semble que ce soit pour les participant·es le premier lieu fréquenté par les personnes arrivant à Grenoble. Nous avons associé ce point à un symbole d’entraide – deux mains entrelacées – pour suggérer aux arrivant·es que la première chose à faire lorsqu’ils et elles arrivent à la gare est de demander de l’aide aux personnes autour. Un·e des participant·es a expliqué y aller occasionnellement pour guider celles et ceux qui viennent d’arriver en leur donnant des conseils sur les lieux où se rendre. Ainsi, la gare, point central de l’écosystème local d’accueil, est sans aucun doute un lieu stratégique pour la diffusion de la carte.

L’accessibilité des lieux d’accueil

Initialement conçue pour orienter les nouvel·les arrivant·es vers des lieux ressources, cette carte se lit aussi comme une cartographie de l’écosystème local de l’accueil, réalisée par des personnes exilées, où les lieux qui y sont mentionnés sont ceux qui ont contribué à l’accueil des participant·es quand ils et elles sont arrivé·es à Grenoble.

La représentation de cet « écosystème » grenoblois montre que les organismes d’accueil qui n’ont qu’un seul lieu d’implantation sont relativement concentrés au centre-ville. Étant bien desservis par les transports en commun depuis l’ensemble des quartiers de la ville, l’accès à ces services peut s’effectuer simplement. Les organismes qui ont plusieurs lieux d’implantation, comme les Maisons des habitant·es, les Restos du cœur et la Caravane des droits, sont souvent plus éloignés du centre-ville, ce qui permet de maintenir une proximité avec les habitant·es.

La place centrale des associations (...)

Créer une légende pour comprendre les besoins (...)

La réponse aux besoins sur le territoire

La carte donne à voir la typologie des structures participant à la réponse aux besoins des personnes exilées sur le territoire, qu’elles soient associatives ou municipales. (...)

Les créateur·ices de la carte ont également évoqué le besoin d’avoir accès à du matériel informatique et à Internet. Tandis que les MDH et bibliothèques permettent aux usagèr·es un accès momentané, les associations comme Emmaüs Connect complètent l’offre de la municipalité en donnant accès à des téléphones, ordinateurs et cartes Sim à des prix réduits. Enfin, l’obtention de la carte de transport en commun à tarif solidaire pour les personnes sans ressources s’effectue par l’intermédiaire d’associations telles que l’Accueil Demandeurs d’Asile (ADA) qui réalise les démarches et fournit une aide de dix euros couvrant les quatre premiers mois d’abonnement. (...)

Conclusion

Les associations jouent un rôle indispensable dans la satisfaction des besoins exprimés par les personnes exilées, qu’il s’agisse de se nourrir, se vêtir, se soigner, trouver un abri, etc. Bien que la municipalité essaye de répondre à une partie importante de ces besoins, son action ne couvre pas l’ensemble des demandes. Les associations adoptent souvent des approches différentes de celle municipale, notamment dans des domaines tels que l’hygiène ou l’accès aux technologies numériques, permettant ainsi une prise en charge plus globale.

Concernant d’autres besoins, à l’instar de l’apprentissage du français, les dispositifs mis en place par la municipalité sont insuffisants face à l’ampleur de la demande, nécessitant alors un recours aux dispositifs associatifs. De plus, certains équipements de la municipalité répondant à des besoins manifestés par les personnes exilées, comme l’Équipe Mobile Précarité Santé pour l’accès aux soins et l’Équipe Juridique Mobile pour l’accès à l’hébergement et au logement, ne sont pas connus de l’ensemble des personnes qu’ils pourraient intéresser.

Mais il faut nuancer la distinction stricte entre les associations et la municipalité qui s’apparente davantage à une interdépendance fonctionnelle : de nombreuses associations dépendent du soutien financier et logistique de la Ville, tandis que la municipalité valorise les initiatives des associations comme un prolongement de son action publique.

La carte produite au cours de ce projet révèle des dynamiques locales d’accueil telles qu’elles sont vécues par les personnes concernées. L’approche participative a permis de dépasser une vision institutionnelle et surplombante de l’accueil pour proposer une cartographie sensible et fonctionnelle des lieux qui comptent dans les parcours des personnes exilées. Elle constitue un nouvel outil d’analyse du territoire pour les acteurs publics et associatifs qui met en lumière les richesses et les manques de l’écosystème d’accueil grenoblois.