
De nombreux documents internes obtenus par Mediapart montrent comment la chaîne fait l’impasse sur les règles déontologiques élémentaires pour stigmatiser musulmans et étrangers, épargner coûte que coûte la police et criminaliser les mouvements sociaux.
Devant l’Assemblée nationale en février dernier, les dirigeants de CNews, qui ont tous refusé de nous répondre (voir notre boîte noire) ont juré que leur chaîne privilégiait l’information et ont « fermement » contesté représenter une chaîne d’opinion. De nombreux documents internes – des mails, des SMS, des notes de tournage –, mais aussi des milliers de messages provenant de boucles WhatsApp internes, que Mediapart a pu obtenir, montrent qu’il n’en est rien et que ce virage vers l’extrême droite (décrypté dans notre enquête précédente) est savamment pensé.
Ces messageries, dans lesquelles les rédacteurs en chef, le directeur de l’information Thomas Bauder, les journalistes en CDI et le directeur de la rédaction Serge Nedjar discutent, montrent comment l’information peut être totalement biaisée par leurs obsessions : traquer tous les faits divers pour en faire des « faits de société », sur les banlieues, les musulman·es ou les personnes étrangères. (...)
Plonger dans les conversations des journalistes de CNews, c’est découvrir les biais totalement assumés de la chaîne. Comme l’a récemment calculé Sleeping Giants, un collectif qui lutte contre le financement publicitaire de médias propageant des « discours de haine », les bandeaux de la chaîne ont parlé d’islam et d’immigration 335 jours sur 365 en 2023. (...)
La rédaction, ultradépendante de ses sources policières, caresse dans le sens du poil les syndicats de police invités quotidiennement sur ses plateaux. Jusqu’à bannir des termes ou des affaires qui pourraient abîmer leur image. Et quand les images captées par les reporters ne collent pas à la ligne maison, elles sont balancées à la poubelle. (...)
Au sein de la deuxième chaîne d’info de France, la neutralité tombe aussi lorsqu’il s’agit de couvrir certains mouvements sociaux. Plusieurs journalistes interrogés par Mediapart dénoncent les questions récurrentes de certains présentateurs pour les faire parler de « black blocs » ou de « tensions », même lorsqu’ils sont totalement inexistants. (...)
À l’antenne, tout semble permis, pendant que des journalistes s’en désolent en petit comité. (...)
chez CNews, l’opinion la plus radicale est reine, et les remarques, les faits ou les condamnations ne pèsent plus grand-chose.