
Les Jeux Olympiques débutent en France dans dix jours, le 26 juillet, et se présentent comme les premiers Jeux de l’histoire à atteindre la parité : pour la toute première fois, 5250 athlètes femmes et exactement le même nombre d’hommes y participeront.
C’est aussi la date qu’a choisie l’organisation Amnesty International pour publier un rapport dénonçant l’interdiction faite aux athlètes françaises de porter le voile pendant la compétition. Les athlètes portant le voile issues d’autres pays pourront quant à elles participer aux JO de Paris.
(...) En France, l’"obligation de neutralité religieuse" inscrite dans les textes de loi s’applique aux agent·es de la fonction publique, dont le personnel des fédérations sportives fait partie, car considéré comme exerçant une mission de service public.
Certaines fédérations n’interdisent cependant pas le port du voile aux sportives elles-mêmes, qui sont considérées comme usagères d’un service public : le port du voile est par exemple autorisé pour jouer au tennis ou encore au rugby.
Des interdictions sont cependant imposées dans plusieurs autres sports, notamment le football, le basketball et le volleyball, tant au niveau professionnel qu’amateur. En juin 2023, le Conseil d’État avait rejeté un recours déposé à ce sujet par le collectif Les Hijabeuses contre la Fédération française de football (FFF), qui interdit le port du voile pour ses joueuses. (...)
Founé Diawara, coprésidente des Hijabeuses, a expliqué à Amnesty International : "Notre combat n’est pas politique, il n’est pas religieux, il concerne le sport et seulement le sport. De nombreuses femmes sont exclues des terrains de football en France tous les week-ends uniquement parce qu’elles portent le voile. Ce que cette décision signifie, c’est que pour ‘protéger’ les personnes qui sont opprimées, vous les opprimez encore plus." Le collectif s’est tourné vers la Cour européenne des droits humains.
Amnesty International rapporte également le témoignage d’Hélène Bâ, basketteuse depuis l’âge de cinq ans, étudiante en droit international et l’une des fondatrices du collectif Basket Pour toutes. En décembre 2022, un arbitre lui a demandé de retirer son hijab de sport et son haut à manches longues, ou de quitter le terrain. (...)
Un entraîneur a été témoin d’une situation similaire à une autre occasion. Il a expliqué à Amnesty : "C’est une agression contre les femmes, lorsqu’un arbitre masculin vient dire à une jeune fille, à une mineure, qu’elle doit enlever une partie de ses vêtements, qu’elle doit se déshabiller. C’est une forme de violence." (...)
L’interdiction du port du voile dans plusieurs sports en France "a engendré une situation intenable dans laquelle le pays hôte des Jeux olympiques se trouve en infraction avec plusieurs de ses obligations au regard des traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels il est partie, ainsi qu’avec les engagements et les valeurs énoncés dans le Cadre stratégique relatif aux droits humains du Comité International Olympique (CIO) lui-même", s’insurge Amnesty International.
On peut lire dans ce document que la non-discrimination fait partie des domaines d’intervention du CIO : "On entend par discrimination toute forme de distinction, d’exclusion, de restriction ou de préférence fondée sur des caractéristiques personnelles qui sont protégées par les réglementations internationales en matière de droits humains." De manière générale, écrit également le CIO, "lorsque des décisions peuvent avoir une incidence sur le bien-être ou la vie de certaines personnes, il est important de prendre en compte leur point de vue en les impliquant de manière significative." (...)
Le CIO a néanmoins réagi à l’interdiction des couvre-chefs sportifs imposée par la France en estimant que cela ne relevait pas de la responsabilité du Mouvement olympique et que "la liberté de religion est interprétée de différentes manières par différents États." (...)
"Interdire aux athlètes françaises de participer aux Jeux olympiques et paralympiques si elles portent un couvre-chef sportif vide de leur sens les affirmations selon lesquelles les Jeux olympiques de Paris 2024 sont les premiers à atteindre la parité des genres et met au jour la discrimination raciale et liée au genre qui caractérise l’accès au sport en France. Aucun·e responsable politique ne devrait dicter ce qu’une femme peut porter ou pas et aucune femme ne devrait être forcée à choisir entre le sport qu’elle aime et sa foi, son identité culturelle ou ses croyances", déclare dans un communiqué de presse sorti le 16 juillet Anna Błuś, chercheuse sur les droits des femmes à sein d’Amnesty International.