
L’intervention mardi soir sur le plateau de Cyril Hanouna de Quentin Bataillon, le président de la commission d’enquête sur l’attribution des fréquences TNT, a déclenché une mini-crise politique. Elle risque surtout de discréditer l’ensemble du travail parlementaire mené sur les chaînes de Bolloré.
En se rendant sur le plateau de « Touche pas à mon poste » (« TPMP ») mardi 2 avril au soir, Quentin Bataillon, président macroniste de la commission d’enquête parlementaire sur l’attribution des fréquences TNT, s’attendait-il à créer une tempête politique ? Raillé par l’opposition et lâché par son groupe à l’Assemblée nationale, le député Renaissance se voit reprocher d’avoir commis une double faute.
Première erreur : avoir accepté l’invitation de Cyril Hanouna, lui-même auditionné par ladite commission d’enquête quelques jours auparavant. Le député a ainsi manqué à son devoir de réserve. Deuxième bévue, Quentin Bataillon s’est permis de faire le bilan de la commission qu’il préside, alors même que celle-ci n’a pas encore achevé ses travaux. Le tout sur le plateau de l’animateur le plus sanctionné du paysage audiovisuel français par le gendarme de l’audiovisuel. (...)
En direct sur C8, chaîne contrôlée par le groupe Bolloré, il a tancé l’attitude de Yann Barthès, présentateur de « Quotidien » sur TMC, du groupe TF1. « Je crois que c’est la première fois que je me suis énervé, il avait une attitude assez arrogante dès le début, il refusait de répondre à nos questions », a-t-il décrit au sujet du présentateur de « Quotidien ». (...)
Dans les rangs macronistes, un grand malaise se fait ressentir depuis la diffusion de l’émission. « On n’était au courant de rien, il ne nous avait ni demandé l’autorisation d’aller chez Hanouna, ni prévenu qu’il y allait », jurait-on, mercredi matin, dans l’entourage du président du groupe parlementaire, Sylvain Maillard, qui a, dit-on, piqué une grosse colère contre le député au sortir de l’émission.
L’affaire est aussi remontée aux plus hautes instances de l’Assemblée nationale. (...)
Il est vrai que Quentin Bataillon s’est singulièrement savonné la planche, puisqu’il est allé jusqu’à accepter en cadeau un tee-shirt flanqué des mots « C’est l’heure du goûter », réplique lancée par Cyril Hanouna aux député·es pendant son audition pour justifier son départ, que les sbires de « TPMP » ont aussitôt tenté de rendre culte.
Qu’un président de commission fasse part de son sentiment sur le comportement désinvolte d’un des auditionnés est déjà critiquable. Qu’il aille le faire sur le plateau de son principal concurrent aggrave la situation. Le député ne pouvait ignorer que depuis presque une décennie, Cyril Hanouna et Yann Barthès se disputent, au vu et au su de leurs téléspectateurs et téléspectatrices, la place du talk-show le plus regardé de France avant le prime time. Une rivalité que Hanouna proposait même de régler par un combat de boxe en 2019.
Entre Cyril Hanouna, animateur chouchou de l’extrême droite – en témoigne l’accolade chaleureuse avec les élus du Rassemblement national (RN) à la fin de son audition parlementaire, le 14 mars –, et l’émission « Quotidien », bannie des meetings du RN et qui refuse d’inviter ses représentant·es, Quentin Bataillon a semble-t-il choisi son camp. (...)
Plus singulier encore, Cyril Hanouna a également eu droit à un satisfecit personnel de la part du président de la commission d’enquête sur l’attribution des fréquences TNT. « TF1 et TMC respectent les règles, comme vous les respectez », s’est hasardé Quentin Bataillon, avant de « féliciter » Cyril Hanouna « d’inviter tout le monde ».
Peut-être le député a-t-il oublié les trente-deux rappels à l’ordre infligés depuis 2012 par le CSA puis l’Arcom, l’autorité de régulation de l’audiovisuel, faisant de « TPMP » l’émission la plus sanctionnée de tous les temps ? (...)
Quentin Bataillon a semblé jouer jusqu’au bout le jeu de C8, reprenant même à son compte les critiques formulées par les obligés de Vincent Bolloré à l’endroit du rapporteur de la commission, le député Insoumis Aurélien Saintoul. (...)
En se rendant sur le plateau de « TPMP » après les députés Jérôme Guedj (PS) et Karl Olive (Renaissance), tous deux membres de la commission d’enquête qu’il préside, Quentin Bataillon s’est à tout le moins prêté à une dangereuse inversion des rôles, pouvant donner l’impression que la représentation nationale avait des comptes à rendre à Cyril Hanouna, et non l’inverse.
Il a pris le risque d’entacher définitivement la crédibilité de la commission, qui devait mettre sur la table le non-renouvellement des fréquences de C8 et de CNews, transformées par Vincent Bolloré en canaux de sa propagande ultra-réactionnaire. Mais il reste encore beaucoup de questions sur la suite de la procédure. (...)
Au bout du compte, et comme bien souvent, Vincent Bolloré apparaît comme le grand gagnant de la séquence. (...)