
Plusieurs pays occidentaux forment des militaires ukrainiens au maniement des armes. Un groupe venu en France à la fin de l’année 2023 comptait dans ses rangs d’authentiques néonazis. Une donnée que l’armée française ne pouvait ignorer : l’un portait le symbole de la SS tatoué sur le visage.
Camp de La Courtine, dans le sud de la Creuse, automne 2023. Des hommes revêtus de treillis de l’armée française s’entraînent au champ de tir. Sur d’autres images, ils progressent dans les bois, équipement sur le dos et armes à la main. Les fusils d’assaut sont des famas ou des HK416, ceux en dotation dans l’armée française. Sur d’autres images, les mêmes hommes prennent la pose devant des véhicules militaires, couleur « brun terre de France », celle désormais utilisée par l’armée de terre.
Jusque-là, rien de très surprenant pour ce camp militaire centenaire, qui sert aujourd’hui essentiellement à l’entraînement. Mais contrairement aux apparences, ces militaires sont ukrainiens. Ils dépendent de la 3e brigade d’assaut, soit l’unité de l’armée ukrainienne héritière du régiment Azov, mouvement nationaliste radical aux composantes néonazies. Une idéologie qui y est manifestement encore en vogue : l’un d’entre eux porte l’emblème de la SS tatoué sur la tempe. (...)
Le fait que l’armée française entraîne des soldats ukrainiens est connu. Ils sont 12 000 à être venus en France, dont 8 000 en 2023, indique à Mediapart le ministère. Des équipes de TF1 ou de France 3 ont bien pu faire des reportages sur le sujet en fin d’année dernière, mais la localisation de la base militaire utilisée à cet effet a dû rester secrète et les journalistes n’ont pu interroger les principaux concernés, dont les visages ont été floutés.
Un entraînement de quelques semaines à peine pour apprendre les rudiments du métier : se déplacer dans une forêt, prendre d’assaut une tranchée ou participer à des combats urbains. Autant d’activités effectuées sous l’œil attentif d’instructeurs français. « Ils viennent apprendre nos méthodes occidentales pour essayer de bousculer les choses sur le front », explique devant les caméras le lieutenant-colonel Even, chef du détachement de partenariat opérationnel avec l’Ukraine. Autant dire que le tatouage de Denys n’a pu passer inaperçu.
Saluts hitlériens et croix celtiques (...)
Parmi les soldats ukrainiens venus en octobre 2023 suivre un entraînement en France, Denys n’est d’ailleurs pas le seul à afficher ses convictions néonazies. Ses comparses n’ont certes pas fait le choix de les porter sur le visage, mais un rapide tour d’horizon de leurs profils publics sur les réseaux sociaux ne laisse pas de place au doute. (...)
En soi, le simple fait que l’armée française entraîne au combat des hommes de la 3e brigade d’assaut ukrainienne pose question. Fondé en 2014 au début de la guerre dans le Donbass, le bataillon Azov, par la suite devenu régiment, était initialement constitué de volontaires. S’il a acquis une grande popularité en participant à la reprise de la ville de Marioupol face aux séparatistes prorusses cette année-là, et plus encore lors du siège de la même ville en 2022, son identité reste intrinsèquement liée au nationalisme radical ukrainien.
Bien qu’ayant perdu en importance, ses composantes néonazies perdurent. (...)
la participation de soldats liés au régiment Azov à un programme d’entraînement assuré par l’armée canadienne sur le territoire ukrainien en 2020 avait déjà fait polémique outre-Atlantique. (...)
le fait d’entraîner des hommes de cette unité qui n’en compte que quelques milliers relève cependant forcément d’un choix de l’armée française. Interrogé, le ministère des armées nous a simplement indiqué que ce sont les « forces armées ukrainiennes qui organisent le flux et la sélection des militaires ukrainiens envoyés en France et en Europe. Nous n’apportons donc pas de commentaire sur cette organisation ». (...)
En Ukraine, la 3e brigade d’assaut semble en tout cas être plébiscitée par certains néonazis français partis se battre sur le front. Plusieurs d’entre eux s’en réclament, dont celui arrivé sur place après avoir été accusé d’avoir agressé un attaché parlementaire de La France insoumise en avril 2023, comme Mediapart l’a révélé, ou encore le Lyonnais auquel notre partenaire Rue89 Lyon a consacré un article. Des hommes que certains des Ukrainiens venus en France ont côtoyés avant et après leur entraînement. (...)
Plus troublant encore, parmi le groupe de soldats ukrainiens de la 3e brigade d’assaut venu dans la Creuse en octobre 2023, se trouvait un Français. (...) Lui aussi est un néonazi convaincu. Contacté, il n’a pas donné suite à nos questions. Le ministère des armées n’a pas non plus répondu à nos questions à son sujet.