
(...) L’armée israélienne a affirmé jeudi 4 septembre avoir pris le contrôle de 40 % de la ville de Gaza. Si l’armée israélienne a intensifié ces dernières semaines ses bombardements et opérations au sol dans la ville de Gaza, ni l’armée ni le gouvernement de Benjamin Netanyahu n’ont annoncé publiquement le début de l’offensive majeure pour s’emparer de cette ville, prévue dans un plan approuvé en août.
Selon le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, parmi les 64 Palestiniens tués jeudi, 30 l’ont été dans les frappes visant la ville de Gaza, présentée par l’armée comme le dernier grand bastion du Hamas dans le territoire palestinien. (...)
Selon des estimations de l’ONU il y a quelques semaines, près d’un million de personnes vivent dans et autour de la ville de Gaza. Des milliers de Palestiniens ont déjà fui le secteur.
Mercredi, un responsable militaire a déclaré qu’Israël s’attendait à ce "qu’un million" de personnes fuient la ville en direction du sud.
"L’impensable a déjà commencé"
L’armée israélienne contrôle aujourd’hui environ 75 % de la bande de Gaza, un territoire de 365 km2 où elle assiège les quelque deux millions d’habitants plusieurs fois déplacés par la guerre. L’ONU y a déclaré la famine, ce que dément Israël. (...)
"L’impensable a déjà commencé", a déclaré depuis Al-Mawassi (Sud) une porte-parole du Fonds de l’ONU pour l’enfance (Unicef), Tess Ingram, après un déplacement dans la ville de Gaza. "Sans un accès immédiat et accru à la nourriture (...), davantage d’enfants mourront de faim."
Quasiment tous les jours, la Défense civile à Gaza rapporte des dizaines de morts dans les opérations israéliennes. Mais compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d’accès sur le terrain, l’AFP n’est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les bilans de la Défense civile et les informations des différentes parties. (...)
Dans la ville de Gaza, une frappe sur des tentes de déplacés a fait cinq morts, dont trois enfants, selon Mahmoud Bassal. (...)
"Ils nous affament, nous privent d’eau, nous déplacent et tuent nos enfants, tout cela sous les yeux du monde", s’est exclamée Oum Nabil al-Aish, une Gazaouie qui a perdu des proches dans le bombardement. (...)
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– De l’aide non distribuée à Gaza ? Les ONG contestent les récits d’influenceurs pro-Israël
De la nourriture non livrée en plein Gaza ? Depuis fin juillet, des influenceurs invités par l’armée israélienne filment le checkpoint de Kerem Shalom dans Gaza qu’ils montrent rempli d’aide humanitaire non livrée, pour soutenir qu’Israël n’est pas responsable de la famine. Des affirmations rejetées par toutes les ONGs interrogées, qui décrivent la difficulté et la dangerosité à livrer de l’aide actuellement, par ailleurs toujours insuffisante.
"Des biscuits ! En train de pourrir au soleil". Le 27 août, Noa Cochva, miss Israël 2021, se trouve à Gaza, au checkpoint de Kerem Shalom. Dans plusieurs vidéos publiées sur ses réseaux sociaux, Noa Cochva, devenue un relais en ligne du discours officiel israélien, se filme devant de nombreuses palettes de nourriture qui n’ont pas été livrées. À ses yeux, ces images prouvent qu’il n’y a "pas de famine à Gaza" et qu’Israël "remplit sa part" dans l’acheminement de l’aide.
"[Ces palettes] font partie de l’aide humanitaire que les Gazaouis auraient dû recevoir, mais que l’ONU n’a jamais récupérée. Pourquoi l’ONU ne collecte-t-elle pas cette aide ?", dénonce-t-elle. "Au lieu de nourrir les civils, l’ONU alimente la machine de propagande du Hamas", soutient-t-elle dans une autre publication.
Comme elle, de nombreux autres influenceurs et journalistes ont été emmenés par l’armée israélienne - "embedded" selon le jargon journalistique - depuis juillet 2025 pour visiter ce point névralgique de l’aide humanitaire. Le 26 août, le youtubeur américain pro-Trump Cam Highby dénonçait lui aussi, images à l’appui dans un reportage vidéo de 20 minutes "des quantités infinies de nourriture" stockées à Kerem Shalom : "de la farine, des boîtes de conserve et des conserves de légumes : on pourrait nourrir tellement de gens".
"Il n’y a plus de système [humanitaire] en place"
L’objectif des visites organisées par l’armée israélienne est clair : montrer qu’une partie de l’aide humanitaire acheminée dans l’enclave palestinienne n’est finalement pas redistribuée et qu’Israël ne serait donc pas responsable de la famine à Gaza, décrétée mi-août dans le gouvernorat de Gaza (nord) par le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) onusien.
Une vision toutefois rejetée et nuancée par quatre organisations humanitaires interrogées par la rédaction des Observateurs. "Les images montrant de l’aide humanitaire entassée dans des complexes fermés et militarisés illustrent en réalité ce que les travailleurs humanitaires n’ont pas été autorisés à collecter et à distribuer", a répondu un porte-parole de l’ONU, principale organisation visée par ces critiques, et interrogée par notre rédaction. (...)
"Il existe certains stocks d’aide à l’entrée de Gaza, mais la question est plutôt de voir à quels défis sont confrontées les organisations internationales", explique Sarah Davies, porte-parole de la Croix-Rouge, qui envoie, chaque fois que possible, des camions d’aide alimentaire par Kerem Shalom. Danger des livraisons, écroulement du système de l’aide, problèmes administratifs : les organisations pointent de nombreux problèmes liés à l’action de l’armée israélienne qui ont fortement entravé perturbé la distribution, notamment au niveau de Kerem Shalom.
L’accès même à Kerem Shalom s’avère très complexe pour les employés : "Kerem Shalom n’est pas un entrepôt où l’on peut simplement se présenter", déclare un porte-parole de l’ONU. "C’est un complexe militaire fortement gardé et clôturé. Pour que nos chauffeurs puissent y accéder, il leur faut obtenir de multiples autorisations, bénéficier d’une pause dans les bombardements, et attendre que les grilles de fer s’ouvrent. Ce sont les autorités israéliennes qui décident de ce qui entre ou sort, du moment, des quantités et de l’identité des personnes autorisées." (...)
Les travailleurs humanitaires sur le terrain soulignent également que le système de distribution humanitaire a été "décimé" après deux ans de guerre, comme l’explique Sarah Davies : "Il n’y a plus de travailleurs capables de se rendre à cet endroit. Il n’y a plus de système en place. Il est difficile de se déplacer, même pour essayer d’atteindre la population civile, car les gens sont déplacés si souvent qu’ils ne cessent de passer d’une zone à l’autre. (...)
Une aide très dangereuse à acheminer
Toutes les organisations interrogées rappellent également les enjeux sécuritaires liés à l’acheminement de l’aide humanitaire une fois entrée dans Gaza. Fin juillet, l’ONU avait indiqué que 87 % de l’aide étaient interceptés ou pillés avant sa distribution, soit par la population affamée, soit par des groupes armés, mettant de fait en danger les conducteurs. (...)
Interrogé par notre rédaction, l’organisation World Central Kitchen, qui a fait entrer en août 581 camions de nourriture afin de fournir ses cuisines sur place, a renvoyé vers son site sur lequel elle explique qu’il "n’existe actuellement aucun couloir humanitaire sécurisé, qui serait pourtant le meilleur moyen pour WCK et d’autres organisations d’acheminer de manière fiable la nourriture vers les cuisines". (...)
"Il n’y a jamais eu autant d’humanitaires tués dans un conflit contemporain", déplore Jean-François Corty, président de Médecins du Monde. En novembre 2023, un médecin de l’organisation, Maysara Rayyes, avait été tué par un bombardement avec sa famille. Depuis le début de la guerre à Gaza, plus de 400 humanitaires ont au total été tués par l’armée israélienne.
Les organisations interrogées rappellent également les difficultés d’accès aux zones concernées, comme les "décombres sur les routes, qui sont elles-mêmes détruites ou endommagées" ou encore les "zones infranchissables à cause des hostilités ou physiquement impossibles d’accès", indique Sarah Davies. Elle rappelle aussi que les camions de livraison"ne sont pas des véhicules blindés avec quatre roues motrices", et ne peuvent traverser partout. Un problème de taille, "surtout lorsqu’il n’existe que des trajets très spécifiques considérés comme les plus sûrs."
Selon les ONGs interrogées, tous ces obstacles ralentissent et empêchent le bon déroulement de l’aide humanitaire. Tous rappellent par ailleurs que la sécurisation de l’aide est du ressort de l’armée israélienne. (...)
Ce n’est que depuis le 27 juillet qu’Israël a accepté de faire rentrer plus d’aide humanitaire via Kerem Shalom et d’organiser des pauses tactiques, sous la pression de la communauté internationale. En août, 185 camions en moyenne sont entrés chaque jour dans Gaza, selon les données du Cogat, l’organisme israélien en charge de l’administration civile à Gaza. Un total toutefois toujours insuffisant au vu des demandes des organisations humanitaires.
D’où les appels à un cessez-le-feu, à même de faciliter l’entrée et la sécurisation de l’aide humanitaire et de permettre la reconstruction du système de distribution. (...)
Amnesty International
Pétition Génocide à Gaza : la France doit mettre fin à l’impunité d’Israël