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France24
Embourbée dans l’est de l’Ukraine, la Russie vise des gains "opportunistes" à Soumy
#guerreenUkraine
Article mis en ligne le 17 avril 2025

L’attaque meurtrière de Moscou contre Soumy dimanche a braqué les projecteurs sur cette région du nord de l’Ukraine, où Kiev affirme qu’une offensive russe est déjà en cours. Celle-ci viserait, selon les experts, à étirer les lignes de défense ukrainiennes. Elle donne aussi l’image d’une armée russe qui progresse, à un moment où le front de l’Est s’enlise dans une impasse sanglante.

Depuis plusieurs semaines déjà, l’armée russe avançait lentement mais sûrement vers Soumy, connue pour son architecture élégante et ses rues bordées d’arbres, lorsque deux missiles balistiques Iskander-M ont frappé mortellement le cœur de la ville, dimanche 13 avril.

Alors que la population ukrainienne fêtait les Rameaux, au moins 35 personnes ont été tuées et plus d’une centaine blessées par cette attaque menée à 30 km de la frontière russe. Avant cela, Soumy, capitale régionale, voyait affluer un nombre croissant de civils cherchant refuge à mesure que les combats se rapprochaient de leurs foyers.

"Nous avons vu arriver chaque jour plusieurs centaines de personnes en quête d’un abri", témoigne James André, grand reporter à France 24, qui s’est récemment rendu dans un centre pour déplacés à Soumy. "Elles fuyaient les attaques de drones incessantes et les tirs d’artillerie devenus quotidiens pour les habitants des villages proches de la frontière." (...)

Les attaques se sont intensifiées après la récente reprise par la Russie d’une grande partie de son territoire dans la région voisine de Koursk. Selon James André, "la Russie fait maintenant valoir son avantage, repoussant les forces ukrainiennes hors de Koursk et poursuivant son élan en territoire ukrainien. Soumy est la principale ville sur leur trajectoire."

"Crime opportuniste"

L’attaque de dimanche, la plus meurtrière de la Russie en Ukraine depuis le début de l’année, a également ridiculisé les tentatives de Washington d’obtenir un cessez-le-feu, encore moins un accord de paix durable. (...)

"Il est trop tôt pour dire si les Russes veulent s’emparer de larges portions de la région de Soumy ou établir une zone tampon à la frontière pour éviter une nouvelle offensive comme celle de Koursk", explique le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense nationale. "Quoi qu’il en soit, les Russes ne manqueront aucune opportunité tactique de saisir du territoire et d’épuiser les défenses ukrainiennes", ajoute-t-il.

"Aucune raison de paniquer à propos de Soumy" (...)

"La rapidité avec laquelle la Russie a repris le contrôle de la région de Koursk est assez surprenante, surtout si on la compare à l’impasse sur les autres fronts", affirme Veronika Poniscjakova, spécialiste de la guerre en Ukraine à l’université de Portsmouth. "Il est donc juste de dire qu’ils ont une dynamique dans cette zone et qu’ils pourraient être tentés d’aller plus loin."

Des voix ukrainiennes minimisent, cependant, les rapports sur les progrès russes, à l’instar de Maksym Jorin, commandant adjoint de la troisième brigade d’assaut ukrainienne. "Il n’y a aucune raison de paniquer à propos de Soumy", a-t-il écrit samedi sur Telegram. "Des groupes de sabotage ennemis y opèrent et des attaques frontalières s’y produisent en permanence. La région est régulièrement bombardée – ce n’est pas nouveau."

"L’ennemi n’a réalisé aucun réel gain dans cette direction. Nos forces savent depuis longtemps comment les contrer", a-t-il aussi ajouté. (...)

L’Ukraine en position de "défense active"

Fidèle à sa doctrine, l’Ukraine a répondu aux attaques russes par des incursions transfrontalières, avec des opérations militaires entre les régions de Koursk et de Belgorod. "Nous continuons à mener des opérations actives dans les zones frontalières sur le territoire ennemi, et c’est absolument justifié – la guerre doit revenir là d’où elle est venue", a confirmé Volodymyr Zelensky.

Kiev a établi des positions aux alentours des villages frontaliers de Demidovka et Popivka, selon DeepState, un blog militaire proche de l’armée ukrainienne. Ces opérations ont un but clair : détourner les forces russes et empêcher des attaques de Moscou sur le territoire ukrainien. (...)

"Excepté la région de Koursk, l’ensemble de la ligne de front est dans une impasse"

Les efforts militaires de la Russie pourraient se concentrer sur Pokrovsk – qu’elle tente d’encercler depuis un an –, a déclaré à Reuters le haut responsable ukrainien Pavlo Palisa. Les troupes de Moscou ont progressé de moins de 50 km dans cette zone au cours de l’année écoulée, selon l’ISW.

L’institut a constaté un ralentissement de leur avancée sur l’ensemble de la ligne de front cet hiver, conduisant des blogueurs militaires russes à critiquer ces gains territoriaux marginaux obtenus au prix d’un coût humain et matériel énorme. (...)

"La Russie tente de faire passer un message aux États-Unis"

"Les Russes avancent toujours lentement, mais le fait est que l’Ukraine tient bon quel qu’en soit le coût", précise Jérôme Pellistrandi. Pour le général à la retraite, l’armée ukrainienne est en meilleure forme qu’à l’automne dernier et connaît moins de pénuries en artillerie. "Elle a aussi renforcé ses défenses, ce qui implique qu’elle a en grande partie renoncé à reprendre, au moins militairement, les territoires perdus", ajoute-t-il.

La situation est tout autre côté russe, selon le rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale : "L’industrie de l’armement tourne à plein régime et une nouvelle campagne de recrutement a été lancée. Pourtant, ils n’arrivent toujours pas à obtenir de percée décisive, de victoire tactique qui forcerait l’Ukraine à reculer. C’est un problème pour Poutine, qui n’aura pas grand-chose à montrer lors de son traditionnel défilé du 9 mai." (...)

La propagande russe a fonctionné à plein régime lors de la reconquête des territoires occupés par l’Ukraine dans la région de Koursk, influençant parfois même le récit de la Maison Blanche. De la même manière, les attaques contre Soumy "montrent que la Russie tente de faire passer un message aux États-Unis, en affirmant qu’elle est en position de force et ne devrait donc pas être celle qui fait des concessions", conclut Veronika Poniscjakova. "Et il semble bien que les Américains soient à l’écoute."