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Mediapart
« L’État nous a toujours piégés » : en Nouvelle-Calédonie, l’accord de Bougival ravive les inquiétudes
#NouvelleCaledonie #Kanaky
Article mis en ligne le 5 août 2025
dernière modification le 2 août 2025

Le projet signé mi-juillet devrait être enterré par le FLNKS le 9 août, à l’occasion d’un congrès extraordinaire. Suscitant une forte opposition parmi les indépendantistes, il questionne bien au-delà de leurs rangs. Beaucoup redoutent une stratégie de division dangereuse.

(...) Si une petite bourgeoisie kanak et océanienne a émergé depuis les accords de Matignon et de Nouméa, signés dans les années 1980, les inégalités entre groupes communautaires demeurent fortes en Nouvelle-Calédonie – principalement dans sa capitale. Les discriminations envers les populations océaniennes, documentées par plusieurs études, laissent peu de perspectives aux jeunes, qui expriment parfois le sentiment d’être « parqués ».

Plus de 50 % de la population kanak vit désormais dans l’agglomération nouméenne, en particulier dans les quartiers populaires et les « squats » du Grand Nouméa, réservoirs de main-d’œuvre bon marché. Alors que sur place, les prix sont parmi les plus élevés de France, le salaire minimum reste inférieur à celui de la métropole et les filets sociaux, déjà faibles, se sont réduits depuis les révoltes.

Le président du FLNKS opposé à l’accord (...)

«  Un accord sans le mouvement de libération n’a pas de sens », a aussi résumé Mickaël Forrest, vice-président de l’UC. « La parole qui a été donnée par le ministre d’État, c’est “vous discutez avec vos structures, et c’est sur la base de ces retours que la discussion se poursuit”  », a répondu le député Emmanuel Tjibaou, président de l’UC et chef de file de la délégation FLNKS lors des négociations. « C’est pour ça que c’est marqué “projet d’accord”. On n’a pas changé de discours », a-t-il précisé, avant d’insister : « On a signé, mais pas paraphé. »

Si les mots des responsables indépendantistes sont choisis lorsqu’ils sont prononcés publiquement, leur expression est plus tranchée une fois les micros coupés. Dans ces moments-là, on questionne clairement la parole de l’État et sa sincérité.

Les déclarations de Manuel Valls, invitant le FLNKS à poursuivre les discussions dans le cadre de l’accord tout en alertant sur les risques de chaos économique et social, sont perçues comme une menace, malgré ses dénégations. (...)

Les cadres du FLNKS s’inquiètent aussi de voir l’histoire se répéter : celle qui a conduit à la mort de Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, après la signature de l’accord de Matignon en juin 1988, et à l’impossibilité de revenir sur ce dernier. Un ancien de l’UC se souvient que, la veille de la signature, les deux leaders avaient déposé à Matignon un courrier indiquant qu’ils ne signeraient qu’un accord menant à l’indépendance. Le lendemain, le même homme recevait un coup de fil lui annonçant la signature.

Le FLNKS sait l’importance d’éviter une nouvelle tragédie, qui jouerait en faveur de l’accord de Bougival. D’où le retrait du mandat aux négociateurs. Une nouvelle équipe doit être désignée, manière de répondre aux demandes de sanctions disciplinaires envers les signataires, émanant notamment de l’UC, sans les désavouer totalement afin de préserver l’unité. (...)

C’est dans ce contexte incertain que Manuel Valls a adressé aux signataires de l’accord de Bougival une invitation à participer mi-août à la première réunion du comité de rédaction des textes précisant ses contours – loi organique spéciale et loi fondamentale. Alors que certains ont déjà la tête à la traduction juridique du projet, Emmanuel Tjibaou rappelle que celui-ci est loin d’être validé en l’état par les indépendantistes du FLNKS, l’UC considérant qu’il « ne respecte pas les fondamentaux de la décolonisation ».