
Dans une décision non publique, dont Mediapart a pris connaissance, l’autorité donne un mois au ministère de l’intérieur pour « cesser de mettre en œuvre » le réseau de caméras irrégulièrement déployé à Brest depuis 2023, sous peine de sanctions.
C’est un revers de taille pour le ministère de l’intérieur. Dans une décision confidentielle datée du 21 juillet, dont Mediapart a obtenu une copie, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) lui donne un mois pour « cesser de mettre en œuvre le système de vidéoprotection déployé sur le territoire de la commune de Brest [Finistère – ndlr] en 2023 ».
La Cnil estime que ce réseau d’une centaine de caméras réparties sur quinze sites, entièrement géré par la préfecture du Finistère et la sous-préfecture dans le cadre d’un accord signé avec la municipalité, qui ne souhaitait pas s’en charger, a été mis en place dans des conditions irrégulières, imposant d’y mettre un terme au plus vite. (...)
Fonctionnalités interdites
Dans cette mise en demeure de neuf pages, l’autorité administrative indépendante indique avoir effectué deux contrôles dans les locaux du commissariat de police de Brest et de la sous-préfecture de Brest, les 11 et 18 juillet 2024, « pour vérifier les conditions de mise en œuvre du système de vidéoprotection ».
Ces visites sont intervenues en pleine polémique sur l’utilisation du logiciel « Rapid Review » de la société israélienne BriefCam, dont certaines fonctionnalités d’analyse algorithmique et de reconnaissance faciale sont aujourd’hui interdites en France. Ce logiciel, qui a donné lieu à d’autres décisions de la Cnil, est utilisé à Brest. Malgré les inquiétudes de la section locale de la Ligue des droits de l’homme, la mise en demeure n’a relevé aucun usage contraire à la loi dans cette ville.
En revanche, la mise en demeure conclut que « la préfecture du Finistère a méconnu les dispositions du Code de la sécurité intérieure » en demandant au maire d’implanter un système de vidéosurveillance au nom de la lutte antidélinquance, alors que seuls des motifs « qui font craindre des actes de terrorisme ou la mise en péril d’un intérêt fondamental de la Nation » lui auraient permis de prendre une telle initiative. En clair, lorsque l’État prétend se substituer à une mairie, il faut des raisons impérieuses de le faire, qui ne sont pas réunies ici. (...)
Parmi les communes de plus de 100 000 habitant·es, la ville de Brest est une exception : elle n’a pas de police municipale et n’a jamais installé elle-même de caméras pour surveiller la voie publique. (...)
Soumis à une forte pression de son opposition de droite mais aussi de l’État, le maire finit par accepter de signer un « contrat de sécurité intégrée » avec la préfecture du Finistère, en novembre 2021. En échange de moyens policiers supplémentaires, cette convention prévoit l’installation progressive de caméras de surveillance sur la voie publique. À une condition, posée par la municipalité : le système doit être entièrement opéré par l’État. Celui-ci est donc désigné par écrit comme « l’exploitant final du dispositif » et son « seul responsable ».
Un traitement de données « illicite » (...)