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Mediapart
La ministre du travail efface l’ardoise d’une entreprise au préjudice de la Sécurité sociale
#MinistreduTravail #entreprises #securitesociale
Article mis en ligne le 6 septembre 2025
dernière modification le 3 septembre 2025

Astrid Panosyan-Bouvet est intervenue personnellement pour diminuer les cotisations sociales dues par la société Setforge, cela contre l’avis de son administration et celui de la justice. Nos révélations.

Dans un courrier du 18 avril, que Mediapart a pu consulter, Astrid Panosyan-Bouvet donne instruction au directeur général, au directeur comptable et financier et à la directrice des risques professionnels de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam) d’alléger l’ardoise de l’entreprise Setforge (forge et usinage). Ce qui fut aussitôt fait. Depuis plusieurs années, cette société sollicitait en vain une ristourne sur les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP) pour son établissement de Bouzonville (Moselle), qui emploie une centaine de salarié·es.

Setforge avait soulevé plusieurs arguments à l’appui de ses demandes à la Sécurité sociale et aux tribunaux. En substance, l’entreprise expose avoir racheté l’atelier de forge de Bouzonville en 2021, que les moyens de production et l’activité ont changé après un incendie et la reconstruction de l’usine, que l’amiante a été enlevé, et que les effectifs ont baissé. Elle demande donc à faire reconnaître le caractère nouveau et moins exposé aux risques de l’établissement. Et, surtout, de pouvoir bénéficier à ce titre d’un taux de cotisation AT/MP réduit, de l’ordre de 3 à 4 %, et ce, rétroactivement depuis 2021.

L’organisme collecteur, lui, est d’un avis diamétralement opposé. La Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) d’Alsace-Moselle tient compte de la présence historique d’amiante dans l’établissement, de la poursuite de l’activité, du risque élevé de maladies professionnelles et d’accidents au travail dans l’atelier de forge, et lui applique en conséquence un taux de cotisation AT/MP élevé, de l’ordre de 17 %. (...)

Setforge a décidé de porter l’affaire en justice : elle a assigné la Carsat d’Alsace-Moselle devant la cour d’appel d’Amiens (Somme), spécialisée dans le domaine très particulier de la tarification et du contentieux des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans une décision rendue le 4 octobre 2024, dont Mediapart a pris connaissance, la cour d’appel a débouté Setforge et donné raison à la Sécurité sociale.

Dans un arrêt de quinze pages, la cour d’appel explique en substance que la Carsat n’a fait qu’appliquer le taux de cotisation prévu par le Code de la sécurité sociale, en tenant compte notamment de l’historique de la forge et de la continuation d’une activité à risque. Les juges ajoutent que le repreneur Setforge ne pouvait ignorer ce mode de calcul, et que les preuves de renouvellement des moyens de production ne sont pas établies. Ils réfutent également l’argument selon lequel il s’agirait d’un nouvel établissement. Pour faire bonne mesure, la cour d’appel d’Amiens cite la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce contentieux.

« Très exceptionnel »

Débouté, Setforge avait aussitôt annoncé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel. Les chances de succès d’un tel pourvoi semblent très incertaines, la juridiction suprême ne statuant que sur les éventuelles erreurs de droit. C’était compter sans la ministre du travail, qui cofonda En marche après une carrière dans le privé. (...)