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La performativité selon la tech : quand faire c’est se dédire.
#Trump #Musk #Zuckenberg
Article mis en ligne le 18 janvier 2025
dernière modification le 14 janvier 2025

« Qui réalise une action par le fait même de son énonciation. » Voilà la définition de ce que la théorie linguistique nomme « performativité ».

« Je vous déclare unis par les liens du mariage. » En voilà un exemple.

Ces derniers jours ont été occupés par un enchaînement de déclarations et de prises de position de Donald Trump et Elon Musk qui s’apparenteraient à une forme paroxystique de burlesque si le monde qu’elles inaugurent n’avaient pas tous les atours du tragique.

Dire pour défaire. Et faire pour se dédire.

Ces gens parlent, parlent beaucoup, parlent sans cesse, ils performent. Chacune de leur prise de parole en tant qu’acte de discours est à elle seule une performance. Et ces performances visent à la performativité par la répétition de l’excès, par l’ininterrompue succession de litanies qui doivent alternativement autant à la litote qu’à l’hyperbole. Qu’ils soient sous le feu des armes ou sous celui du ridicule, ils performent, sans cesse.

Leurs mots sont des mots mites qui bouffent le tissu social ; leurs phrases sont des phrases capricornes qui grignotent la charpente qui nous abrite et nous tient ensemble. Et tout en espérant dire pour faire, ils font constamment pour se dédire.

Mark Zuckerberg vient d’annoncer le mardi 7 Janvier 2025 un changement pour le moins radical dans la politique de modération de toutes les plateformes du groupe Méta (Facebook, Instagram et Threads).

Dans une vidéo de 5 minutes postée (notamment) sur sa page Facebook il annonce : (...)

Et d’ajouter qu’il allait bosser avec le Président Trump (son nouveau meilleur ami) pour (accrochez-vous) « protéger la liberté d’expression à l’échelle du monde. » Voilà voilà voilà.

Et cerise sur le gâteau, il dit également que les USA ont « les plus fortes garanties constitutionnelles pour protéger la liberté d’expression » là où l’Europe « produit toujours de nouvelles lois qui institutionnalisent la censure et rendent l’innovation impossible. » Terminant sa prise de parole par un tacle appuyé au gouvernement Biden avec qui il dit n’avoir pas pu travailler et qui n’aurait fait qu’augmenter la censure (comprendre : tenté de pousser quelques maigres et totalement infructueuses tentatives de régulation).

Ce revirement éclaire aussi l’influence de Joel Kaplan, qui avait intégré Facebook en 2011 en provenance de la frange la plus conservatrice de l’administration Bush, et qui vient de prendre du galon avec une récente promotion qui fait de lui le « Chief Policy » et le « Chief of Global Affairs » du groupe Meta et fait le lien entre Zuckerberg et l’administration Trump. Joel Kaplan, que la presse qualifie souvent de « Trumpian bulldog » et de « conservative champion » pique ainsi la place de Nick Clegg (qui avait intégré le groupe Méta juste après avoir été l’un des hommes politiques britannique à l’origine du funeste Brexit).

Facebook en Facepalm. Zuckerberg fait carpette. (...)

Facebook et Zuckerberg ont pour l’essentiel toujours fait à peu près n’importe quoi et surtout exactement ce qu’il ne fallait pas faire pour produire un environnement discursif aussi massif un peu fréquentable et supportable. (...)

A tel point qu’à force d’évidences il avait lui-même fini par reconnaître (en 2017) qu’il avait principalement fait de la merde (notamment sur les sujets de modération et de mise en avant de discours polarisants, clivants, délétères). Sa déclaration d’hier est un virage à 180 degrés par rapport à l’ensemble de ses déclarations programmatiques et repentantes de 2017.

Mais il est vrai que depuis 2017 il y a eu … Trump, et puis l’invasion du Capitole, et puis la déplateformisation de Trump, et la guerre ouverte entre lui et Zuckerberg jusqu’à encore récemment avec la promesse (de Trump) de le mettre (Zuckerberg) en prison. Et puis le retour aussi tonitruant qu’improbable de Trump. Et l’évolution morpho-communicationnelle de Zuckerberg, et puis donc les gages qu’il donne aujourd’hui avec la force de conviction d’un tapis de bain de chez Wish et la sincérité d’une commode Louis XV en placoplâtre.

Alors oui bien sûr Zuckerberg a changé. Zuck le cyborg est devenu Zuck le cool. Aujourd’hui il a des muscles, des bouclettes, une tocante à un million d’euros au poignet, des ceintures du Jui-Jitsu, et la dignité d’Eric Ciotti. Chemise (presque) ouverte, chaîne en or qui brille. (...)

Partir un jour ?

Alors que le mouvement « HelloQuitX » appelant à quitter la plateforme de Musk à date du 20 Janvier (prise de pouvoir de Trump) prend de l’ampleur dans certaines sphères médiatiques, le virage de Zuckerberg annonce a minima des jours sombres pour les plateformes Facebook, Instagram et Threads. J’avoue ne même plus savoir s’il faut les quitter tant j’ai déjà l’impression de ne plus les fréquenter que de manière spectrale (et pour le reste je vous renvoie à mon article « comment quitter une forêt lorsque l’on est un arbre« ).

Une phrase m’accompagne depuis longtemps dans mes pérégrinations et analyses numériques : « La valeur d’un réseau social n’est pas seulement définie par ceux qui sont dedans mais par ceux qui en sont exclus. » Paul Saffo. Dans ces nouvelles imprécations numériques délirantes où là encore Trump, Musk et tant d’autres mais ces deux là au commencement, parlent au mieux de détruire Wikipédia et au pire de stigmatiser des populations entières en raison de leurs orientations sexuelles, politiques ou religieuses, l’ouverture des vannes décrétée par Zuckerberg va produire des effets délétères à une échelle jamais encore atteinte. (...)

« Nous autorisons les allégations de maladie mentale ou d’anormalité lorsqu’elles sont fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle. »

On peut désormais écrire librement les choses suivantes parmi tant d’autres :

« Les immigrés sont des saloperies de merde »
« Les personnes transgenres sont des malades mentaux »
« Les gays sont des monstres »

Quand dire c’est détruire. (...)

Trump est une mèche. Musk une étincelle. Zuckerberg un baril de poudre. Tic tac tic tac tic tac. Il sera difficile d’éviter le Boum.

Je laisse le dernier mot à danah boyd : « Fuck You Facebook« .