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La villa des fonctionnaires brisés
#servicespublics #fonctionnaires
Article mis en ligne le 5 octobre 2025
dernière modification le 30 septembre 2025

Tous les six ont démissionné de la fonction publique : une magistrate, un facteur, un policier, deux enseignantes et une médecin. Pour son documentaire de création Hors-service, le réalisateur Jean Boiron-Lajous les a fait se rencontrer au sein d’un hôpital abandonné. Dans un huis clos intimiste, ils racontent leurs souffrances et désillusions au travail.

(...) L’histoire qu’il raconte, à travers les voix de six anciens fonctionnaires, est bien réelle : celle d’un service public qui se dégrade et abîme ses usagers autant que ses travailleurs et travailleuses.

Postier, juge, baqueux, profs et urgentiste, tous ont été broyés par une institution qui les a vus débarquer emplis d’espoir, de bonne volonté, de naïveté presque. « J’avais envie d’aider tous les élèves », dira l’une des anciennes enseignantes. « Ce que j’ai pu faire ou voir est loin de l’idée d’une justice protectrice des libertés individuelles, celle des livres, que l’on dit être la condition d’une démocratie », dira l’ancienne magistrate. Mais invariablement, les structures se révèlent être plus fortes que les individus, travaillés par leurs problèmes éthiques et malmenés par des techniques managériales importées du secteur privé.

Grâce à une photographie soignée et des choix de mise en scène empruntant à la fiction, le spectateur est transporté dans un rêve brumeux où il côtoie les fantômes de la fonction publique, leurs souvenirs et leurs tourments. Rapidement, la caméra réussit à se faire oublier et l’on se retrouve plongé au cœur d’une thérapie collective. Les six « affranchis », selon l’expression de l’ancienne médecin du groupe, se reconstruisent peu à peu en habitant ensemble cet ancien hôpital à travers différentes activités : séance de sport, bricolage, discussions à cœur ouvert, dîner, fête. Une sorte de télé-réalité pour fonctionnaires brisés.

Au moment des crédits, un léger goût d’inachevé demeure pourtant. Tout au long de l’heure et demie de film, la fonction de ces institutions – la police, la justice ou encore l’école – n’est jamais interrogée. Leur violence est-elle uniquement la conséquence de coupes budgétaires successives ou bien se loge-t-elle au cœur même de leurs structures ? On aurait aimé que la question soit au moins effleurée.