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Mediapart
Le Conseil constitutionnel censure une nouvelle disposition dérogatoire de la loi « immigration »
#ConseilConstitutionnel #loiImmigration
Article mis en ligne le 13 juillet 2025
dernière modification le 12 juillet 2025

Les Sages ont jugé inconstitutionnelle une procédure dite de « contradictoire asymétrique » instaurée dans la loi « immigration » votée en 2023. Un nouveau camouflet pour un texte déjà largement censuré.

Jusqu’où va aller la censure de la loi immigration ? Voté en janvier 2024, ce texte liberticide porté par le ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, n’en finit pas d’être censuré pour ses dispositifs contraires à la Constitution.

Dès son adoption, le Conseil constitutionnel avait déjà réprouvé totalement ou partiellement 35 des 86 articles du texte. Puis, le 23 mai dernier, le collège des neuf Sages avait à nouveau désavoué le ministère de l’intérieur, censurant la rétention de demandeurs et demandeuses d’asile. Vendredi 11 juillet, c’est donc pour la troisième fois qu’une partie du texte est jugée inconstitutionnelle par le Conseil.

Technique, cette dernière décision réfute un article qui avait créé une procédure dérogatoire importante lors de la contestation de décisions administratives. Jusqu’alors, lorsqu’une décision était contestée devant un·e juge administratif, l’administration qui l’avait prise – le ministère de l’intérieur, par exemple – devait fournir des éléments pour justifier son choix, et les mettre à la connaissance de toutes les parties. Telle une audience tout à fait classique. usquJusqu’où va aller la censure de la loi immigration ? Voté en janvier 2024, ce texte liberticide porté par le ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, n’en finit pas d’être censuré pour ses dispositifs contraires à la Constitution.

Dès son adoption, le Conseil constitutionnel avait déjà réprouvé totalement ou partiellement 35 des 86 articles du texte. Puis, le 23 mai dernier, le collège des neuf Sages avait à nouveau désavoué le ministère de l’intérieur, censurant la rétention de demandeurs et demandeuses d’asile. Vendredi 11 juillet, c’est donc pour la troisième fois qu’une partie du texte est jugée inconstitutionnelle par le Conseil.

Technique, cette dernière décision réfute un article qui avait créé une procédure dérogatoire importante lors de la contestation de décisions administratives. Jusqu’alors, lorsqu’une décision était contestée devant un·e juge administratif, l’administration qui l’avait prise – le ministère de l’intérieur, par exemple – devait fournir des éléments pour justifier son choix, et les mettre à la connaissance de toutes les parties. Telle une audience tout à fait classique. (...)

L’article – désormais censuré – de la loi immigration introduisait une exception majeure : si la décision était motivée par la prévention d’actes de terrorisme (comme peuvent l’être la dissolution d’une association, la fermeture d’un lieu de culte ou l’interdiction de territoire pour une personne), l’administration n’était plus obligée de communiquer ses éléments justificatifs à la partie adverse, si ces derniers étaient considérés en lien « avec les objectifs de sûreté de l’État ». Dans la majorité des cas, il s’agit de notes produites par les services de renseignement qui pouvaient affirmer un danger terroriste, selon leurs observations. (...)

Une QPC victorieuse

Il était donc introduit ici un « contradictoire asymétrique », puisque la partie qui contestait la décision administrative ne pouvait avoir connaissance de ce type de pièces fournies au juge par l’administration, affaiblissant considérablement sa défense. Plus encore, le juge lui-même était tenu de statuer sans même révéler l’existence de ces informations dans sa décision.

Pour les avocat·es habitué·es aux contentieux administratifs, cette dérogation sonnait comme une sérieuse attaque aux droits de la défense, et à « l’égalité des armes » garantie par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

C’est un ressortissant ouzbek, dont l’avocat, Me Samy Djemaoun, a découvert l’utilisation de cette dérogation, qui a ainsi recouru, le 1er juillet dernier, à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), procédure permettant d’interroger la constitutionnalité de cette loi devant le Conseil constitutionnel.

Rejoint par le Conseil national des barreaux, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le Syndicat des avocats de France, le requérant a obtenu gain de cause, vendredi 11 juillet. Dans leur décision, les Sages ont suivi les arguments des différentes organisations, mobilisant également l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour réaffirmer le droit à un « procès équitable ». (...)

Pour l’avocat Paul Mathonnet, qui représentait le Syndicat des avocats de France, c’est une décision « rassurante » qui met « un nouveau coup d’arrêt à cette tendance actuelle à porter atteinte au contradictoire au motif de protéger les services de renseignement ». Jeudi 12 juin, le Conseil constitutionnel avait en effet rendu une décision similaire dans le « dossier coffre » prévu par la loi de lutte contre le narcotrafic, qui permettait de rédiger des procès-verbaux non versés au contradictoire. (...)

Cette nouvelle procédure, qui doit donc disparaître prochainement des textes, ne vient toutefois pas bouleverser un droit administratif déjà favorable à l’administration. La parole des services de renseignement continue d’occuper une place prépondérante, notamment avec les « notes blanches », ces documents non signés donnant des informations fournies par les services de renseignement. Rarement remises en cause par les juges, elles restent parfois très vagues.