Prêt depuis 2024, le programme national préparé par l’Agence française anticorruption n’a toujours pas été présenté par les autorités. La faute à des réticences politiques, tandis que les chiffres officiels alertent sur la forte hausse des atteintes à la probité.
C’estC’est une situation de blocage qui vaut mille rapports sur l’état de la corruption en France et sur l’absence de considération prêtée à cette situation. Finalisé en 2024, le plan national de lutte contre la corruption reste bloqué depuis de longs mois dans les tiroirs de l’Agence française anticorruption (AFA) pour des motifs politiques, d’après des informations de Mediapart. (...)
Les faits de corruption observés par les services de police et de gendarmerie ont en effet quasiment doublé depuis huit ans, d’après des données officielles (...)
Cette tendance à la hausse concerne presque toutes les catégories : la corruption, mais aussi le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, le favoritisme… (...)
Dans ce contexte critique, le plan pluriannuel préparé par l’agence anticorruption était vivement attendu par les acteurs de la lutte anticorruption. Il a donné lieu à de nombreuses réunions techniques avec plusieurs administrations, à des contributions de représentant·es de la société civile, ainsi qu’à une consultation citoyenne qui s’est terminée il y a déjà deux ans, le 18 novembre 2023. Le but : rédiger un programme d’actions destiné à l’ensemble des acteurs publics.
Une « forte demande » de transparence
Le précédent plan, premier du genre depuis la création de l’AFA à la suite de l’affaire Cahuzac, avait notamment permis de mieux organiser la collecte des données permettant de suivre la propagation de la délinquance en col blanc ou encore de renforcer la prévention dans les ministères (lire ici).
De la consultation citoyenne menée fin 2023, l’AFA a retenu une « forte demande en matière de renforcement de la transparence », notamment sur les informations relatives aux marchés publics ou aux distributions de subventions, a relevé l’agence dans son rapport public. (...)
Les répondants à la consultation de l’AFA ont également sollicité un « renforcement du rôle et de la protection des lanceurs d’alerte » – soit l’inverse des choix opérés par les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron depuis 2017, particulièrement au niveau européen.
À partir de cet état des lieux, le nouveau plan pluriannuel a été bâti au cours de l’année 2024, avant d’être validé dans ses grandes lignes à l’automne par les deux ministères de tutelle, celui de l’économie et des finances et celui de la justice. Il ne restait alors que quelques détails à régler. Si bien que le garde des Sceaux de l’époque, Didier Migaud, envisageait une communication publique du plan quelques semaines plus tard, au début de l’année 2025.
Mais ce calendrier a été abandonné à la suite de son départ soudain de la Place Vendôme, le 23 décembre 2024, à la faveur de la chute du gouvernement de Michel Barnier. Début 2025, son successeur au ministère de la justice, Gérald Darmanin, a décidé de reporter sine die la publication du rapport, en demandant même à l’AFA de revoir sa copie. (...)
Cette décision de geler toute communication autour du plan s’inscrit dans un contexte particulier : quelques semaines plus tôt, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un ancien président (Nicolas Sarkozy) venait d’être définitivement condamné pour corruption, après le rejet de son pourvoi en cassation, le 18 décembre 2024, dans l’affaire Bismuth.
Un dossier dans lequel le nouveau garde des Sceaux s’était personnellement impliqué, en apportant publiquement son « soutien » à son mentor après sa condamnation en première instance en 2021. En novembre 2024, Gérald Darmanin avait également tenu à déclarer qu’il « serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible » dans l’affaire de détournement de fonds publics du RN, sans jamais dire un mot, là non plus, de la hausse des atteintes à la probité chez les élu·es. (...)
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