
Volé il y a 109 ans en Côte d’Ivoire par les autorités coloniales françaises, le tambour parleur Djidji Ayôkwé va être restitué au pays africain. Les députés ont voté cette proposition de loi lundi à l’Assemblée nationale, alors que le Sénat l’avait adoptée en avril.
L’une des 148 œuvres réclamées par la Côte d’Ivoire
La restitution de ce tambour emblématique répond à un engagement pris par Emmanuel Macron en 2021. À cette occasion, de nombreux députés ont appelé à débattre au plus vite d’une loi-cadre, promise par le chef de l’État, pour faciliter et accélérer les processus de restitutions des œuvres pillées durant la colonisation. (...)
La Côte d’Ivoire avait officiellement formulé sa demande en 2019. "Mais les communautés locales le réclament depuis l’indépendance", souligne Serge Alain Nhiang’O, fondateur de l’association Ivoire Black History Month, à Abidjan. C’est le premier objet d’une liste de 148 œuvres dont la Côte d’Ivoire a demandé la restitution à la France, et son retour "pourrait devenir un symbole très fort", dit-il. (...)
Du côté français, ce retour est perçu comme un acte de reconnaissance. "Le retour du tambour contribuera à la réparation d’une extorsion commise à l’époque coloniale, le témoin de notre prise de conscience", affirme le député Bertrand Sorre (Renaissance), rapporteur du texte.
Mais cette restitution met aussi en lumière la lenteur du processus français. (...)
Considérée comme pionnière, la France apparaît à présent à "la traîne" par rapport à d’autres pays occidentaux, estime l’anthropologue Saskia Cousin, professeure à l’université de Nanterre. Elle cite par exemple l’Allemagne, qui a enclenché un vrai travail d’inventaire des œuvres dans les musées, contrairement à la France, où "il y a clairement une rétention d’informations".
Coopération culturelle avec les anciennes colonies
En outre, les rapatriements se font au compte-gouttes, en l’absence d’une loi-cadre promise par le chef de l’État pour faciliter ces processus, devenue un "serpent de mer", explique Saskia Cousin. Elle permettrait d’éviter une loi spécifique à chaque restitution, processus long et complexe, en dérogeant au principe d’inaliénabilité des collections publiques par décret.(...)
le motif de restitution évoqué dans le texte était la coopération culturelle avec les anciennes colonies. Il ne serait pas suffisant aux yeux du Conseil d’État pour justifier une entorse à l’inaliénabilité des collections publiques.
Pour certains, exiger un "intérêt général supérieur" reviendrait à faire du projet un texte de "repentance" sur la colonisation, un débat que l’exécutif semble vouloir éviter. Pour Saskia Cousin, la France "n’a pas un problème" avec la restitution, mais un problème avec "la façon dont elle pense son passé impérial".
Pressée par les députés de la commission des Affaires culturelles sur le devenir de cette loi, la ministre de la Culture Rachida Dati a affirmé la semaine dernière que le texte avait bien fait l’objet d’un nouveau travail, et qu’elle souhaitait le présenter en Conseil des ministres d’ici à la fin juillet.
Elle espère un débat au Parlement avant la fin de l’année, tout en disant vouloir éviter qu’il n’ouvre la "porte à une instrumentalisation".