
La majorité sénatoriale a adopté mercredi soir la proposition de loi de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs. Parmi les mesures entérinées sous la bronca des gauches : la possibilité d’infliger des peines de prison de quelques jours. Et la fin, dans certains cas, de « l’excuse de minorité ».
Pour « briser la dynamique de la délinquance » chez les mineurs, le Sénat pense avoir trouvé la martingale : leur infliger des « ultra courtes peines » de quelques jours ou quelques semaines de prison. Une sorte de « choc carcéral » (y compris pour des adolescents de 13 ou 14 ans), supposé vacciner contre les crimes et délits. Les peines fermes inférieures à un mois sont pourtant prohibées en France : très gourmandes en moyens, elles sont surtout jugées inefficaces, voire contre-productives.
Mais la majorité sénatoriale, mercredi 26 mars, a décidé de passer outre. À l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs, qui ne prévoyait rien de tel initialement, elle a introduit des peines d’« emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois », par l’entremise d’un amendement mijoté par des élu·es du parti Les Républicains (LR). « À défaut » de la détention, il offre la possibilité d’un placement en centre éducatif fermé (CEF).
Le ministre de la justice n’a rien pu faire contre cette lubie ressassée, depuis des semaines, par son collègue de l’intérieur, Bruno Retailleau, après chaque fait divers impliquant des adolescents, et inspirée d’une expérience aux Pays-Bas. Outre la gauche et le petit groupe macroniste, seul·es deux élu·es LR ont suivi le garde des Sceaux, ainsi qu’un centriste qui s’en serait presque excusé.
Plus tard dans la journée, le Sénat a également adopté un article qui enterre, dans certains cas, « l’excuse de minorité », ce principe mal nommé d’atténuation de la responsabilité pénale qui veut que les peines encourues par les moins de 18 ans soient divisées par deux. Soit l’un des fondements de la justice des mineurs. (...)
le garde des Sceaux a dégainé un argument qu’on le voit peu avancer dans les médias : « La prison pour les mineurs n’est pas quelque chose qui leur apprend la vie, manifestement elle les pousse plutôt vers la délinquance. » Et de s’appuyer sur une statistique remontant à 2011, faute d’évaluations plus récentes (une aberration en soi) : 75 % des mineurs incarcérés récidivent.
En tenant compte des « réitérations » (mises en cause répétées qui ne rentrent pas dans la définition stricte de la récidive), « on doit être à 100 % ».
On rembobine : 100 %, a bien déclaré le ministre. « On cite à l’envi l’exemple des Pays-Bas, où il y a [seulement] 9 000 détenus... Depuis trois mois, j’ai lu toute la littérature sur le sujet : le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est 50/50, voire plutôt négatif. » Une pierre dans le jardin de Bruno Retailleau.
Enfin, à ses yeux, le dispositif imaginé par le groupe LR « n’est pas proportionné » (« Les mettre un mois à Fleury-Mérogis ? »), et sans doute « inconstitutionnel ».
Les élu·es LR se sont pourtant succédé au micro pour justifier son adoption. (...)
« Savez-vous combien de mesures éducatives sont en attente ?, a également souligné la socialiste Laurence Rossignol. Plus de quatre mille ! Savez-vous que certains mineurs auteurs [d’infractions] n’ont pas vu d’éducateur de la PJJ [protection judiciaire de la jeunesse – ndlr] depuis six mois ? En prônant une solution purement carcérale, vous prenez acte des insuffisances de la PJJ, mais poursuivez la dégradation de la prise en charge. » (...)
La proposition de loi de Gabriel Attal doit désormais être examinée en commission mixte paritaire (sept député·es, sept sénateurs et sénatrices), avant d’être définitivement adoptée.
Cette innovation a été opérée non seulement contre l’avis du rapporteur du texte, Francis Szpiner, pourtant encarté chez LR, mais aussi contre celui de Gérald Darmanin.