
Malgré les rapports qui s’enchaînent pour rappeler que nous devrions consommer davantage de légumes secs, les obstacles à leur diffusion restent nombreux. Explications.
Tous les mois, c’est la même rengaine. Un rapport ou une étude scientifique est publié, l’enrobage varie parfois, mais la conclusion reste identique : si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques, nous devons collectivement réduire notre consommation de viande. Et donc manger davantage de protéines végétales – notamment de légumineuses, et surtout de légumes secs (...)
Les plus cuisiniers d’entre nous sont capables de citer les lentilles et les pois chiches ; mais seuls les vrais cracks réussissent à évoquer les pois cassés et les haricots azuki. Alors qu’on se les arrachait il y a plusieurs siècles, les Français semblent avoir oublié les légumes secs.
En 2022, nous n’en consommions que 2,5 kg par habitant. En comparaison, nous mangeons chaque année environ 50 kg de pommes de terre, et 85 kg équivalent-carcasse de viande. Dit de façon plus crue : les légumes secs sont désormais complètement à la traîne.
Les flageolets remplacés par la viande (...)
« Alors que les légumes secs étaient la base protéique de notre alimentation, la population s’est réorientée vers des sources de protéines carnées, et a progressivement abandonné les légumes secs. »
Mathieu Nollet, président de l’Association végétarienne de France (AVF), va plus loin : « La viande est devenue une protéine enviable, là où les légumes secs sont devenus les protéines des personnes pauvres, dans la perception courante ». (...)
En outre, les politiques publiques et les actions de communication se sont multipliées « pour inciter à la consommation de protéines animales, en particulier la viande et les produits laitiers », sans que les pois et les fèves bénéficient du même traitement de faveur, raconte Benoît Granier, responsable Alimentation au Réseau Action Climat. (...)
Le déclin des protéines végétales était donc bien amorcé après-guerre. Un élément a donné le coup de grâce : le développement de l’usage des engrais azotés de synthèse. Jusque dans les années 60, les agriculteurs intégraient systématiquement des légumineuses (pour l’alimentation humaine comme pour l’alimentation animale) dans leurs rotations de cultures, car celles-ci permettaient de fixer l’azote dans le sol. (...)
Mais avec l’apparition des engrais azotés, plus besoin d’ajouter des haricots entre deux cultures ! Remplacés par des produits chimiques, ils ont donc progressivement disparu des champs français. Aujourd’hui, la production de légumes secs ne représente plus que 2 à 4 % de la surface agricole utile. (...)
« Pour beaucoup de gens, le mot “protéine” reste associé à la viande. Ils oublient que les légumes secs sont plutôt bien pourvus en protéines végétales », complète Éric Birlouez, sociologue de l’alimentation et auteur de Petite et grande histoire des céréales et légumes secs (éd. Quae). En clair : les raisons pleuvent pour ne pas manger davantage de dahls de lentilles corail. (...)
Mais il n’y a aucune fatalité. Vu les atouts des ces aliments – dont la production nécessite peu d’eau, émet peu de gaz à effet de serre, et enrichit les sols – de plus en plus d’initiatives se mettent en place pour redorer leur image.
Ici, l’École supérieure des agricultures (Esa) pilote le projet de recherche Jack sur les légumes secs. Là, la chaire Anca (une émanation de la fondation AgroParisTech) lance une campagne de plusieurs semaines sur les réseaux sociaux, intitulée « Future is légumineuses ». Avec un objectif : les rendre (enfin) désirables. (...)
Dans un rapport publié le 20 février, le Réseau Action Climat et la Société française de nutrition recommandaient de manger quotidiennement des légumineuses pour « concilier nutrition et climat ». Actuellement, le Programme national nutrition santé (PNNS) du gouvernement préconise d’en manger deux fois par semaine a minima – ce qui est loin d’être la réalité aujourd’hui. (...)