
Lieux de convivialité, les ateliers d’autoréparation ne sont pas reconnus par les pouvoirs publics. À Bordeaux, une association pourtant essentielle à la vie d’un quartier est en difficulté financière.
Cette association bordelaise, installée depuis 2019 dans le quartier, est devenue un repère pour beaucoup et un vrai lieu de sociabilité, mais elle est confrontée à un manque de moyens et de reconnaissance de la part des pouvoirs publics. (...)
Récup’R n’est pas qu’un endroit où l’on trouve des machines à coudre, des surfileuses, des bobines de fil de toutes les couleurs, un meuble à boutons, des amas de tissus. Posée à la frontière entre Bordeaux et Bègles, dans une ancienne zone industrielle en pleine restructuration, cette maison discrète, à la façade égayée d’objets récupérés, abrite bien d’autres activités.
Vélos abandonnés (chaque année, environ 300 sont collectés, notamment via les copropriétés), réparation et bourses aux vélos, créations à partir d’objets récupérés, sérigraphie, tricot, grainothèque, rencontres festives… Le 206 de la rue Carle Vernet déborde d’idées et de convivialité. Il compte quelque 450 adhérents et une trentaine de bénévoles, qui viennent donner des coups de main. (...)
Mais ce tiers-lieu est aussi confronté à des difficultés financières. Benjamin, regard doux et veste bleue de travail sur le dos, travaille ici depuis quinze ans. Il explique avoir dû lancer une cagnotte en ligne à la mi-septembre pour combler le déficit accumulé depuis deux ans et pour que l’association puisse continuer à fonctionner. « Il y a trois salariés et un loyer à payer, mais aussi des outils à acheter de temps en temps », dit l’animateur-mécanicien vélo, entre autres occupations (...)
« Nous ne rentrons pas dans les cases »
Ce travail d’éducation est l’une des raisons d’être de Récup’R. Mais il n’est pas assez reconnu par les institutions, regrette Benjamin, en pleine réflexion sur la stratégie à adopter. Certes, la cagnotte en ligne a bien marché. Sur les 20 000 euros à atteindre, Récup’R en a récolté 18 000. Plus de 200 personnes ont participé. « On a eu le soutien du réseau associatif bordelais, du réseau national des Ateliers vélo, du voisinage. Les adhérents, même les plus modestes, ont participé, parfois avec de toutes petites sommes », dit Benjamin, qui ne boude pas son plaisir face à ce succès. « C’est comme un plébiscite. Ça veut dire : “On vous soutient, on vous aime, on a confiance”. »
Une reconnaissance qui vient combler les doutes qu’éprouve parfois l’équipe face au manque de bénévoles, de soutien financier et au volume de travail qui empiète trop souvent sur les soirées et les week-ends. Mais l’animateur-mécanicien a un avis partagé : « On fait un travail de service public, on réduit les déchets de la collectivité, on répare des vélos. Et l’air pur, il profite à tout le monde. On sensibilise et on fait aussi du lien. J’aurais préféré avoir un financement public que réclamer de l’argent aux adhérents et les culpabiliser. » (...)
Si la collecte va permettre de revenir à l’équilibre, elle ne sauve pas l’association. « Pour les subventions, nous ne rentrons pas dans les cases. Répondre aux appels d’offres nous impose de tordre la philosophie de l’association », juge Benjamin. (...)
« Il faut passer un cap, dit l’homme à la veste bleue, leur faire comprendre que ce n’est pas la matière qui est importante, dans un monde de surconsommation, mais la transmission, la pédagogie, le savoir-faire. »