Christian* est arrivé mineur en France en 2016, via la Libye et l’Italie. À sa majorité, il a reçu une OQTF et a finalement été expulsé vers son pays d’origine. Mais le jeune Ivoirien n’a pas renoncé à son rêve de vie en Europe. Il a repris la route vers le Mali et la Mauritanie, dans l’espoir de rejoindre l’archipel espagnol des Canaries, puis de revenir... en France. Témoignage.
Scolarisé en France
J’ai pu aller au collège et au lycée. J’étais suivi par une assistante sociale avec laquelle j’avais préparé une demande de rendez-vous à la préfecture de Seine-Saint-Denis pour pouvoir obtenir un titre de séjour à ma majorité. Mais, malgré des dizaines de tentatives, je n’ai jamais obtenu de rendez-vous pour déposer mon dossier. (...)
J’ai finalement obtenu un bac professionnel en 2020 puis j’ai commencé une formation en Mention complémentaire "services financiers" au lycée professionnel Charles de Gaulle, dans le 20e arrondissement de Paris.
Mais peu de temps avant, j’avais fait une bêtise que je ne veux pas raconter et, à cause de cela, j’ai été arrêté. Il n’y a eu aucune suite judiciaire mais j’ai reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) que mon avocate n’a pas pu contester dans le délai de 48 heures.
Certaines OQTF peuvent être contestées durant les 30 jours suivants leur réception, d’autres ne sont contestables que pendant 48 heures. Selon Norma Jullien Cravotta, qui représentait Christian à l’époque, en janvier 2020, l’OQTF a été contestée hors délai devant le tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande d’annulation. Il a ensuite été fait appel de ce jugement, mais l’appel a également été rejeté.
Expulsé vers la Côte d’Ivoire
Les professeurs de mon lycée se sont mobilisés pour que je ne sois pas expulsé mais je n’ai pas pu terminer ma formation à cause de cette affaire. (...)
Pour l’ancienne avocate du jeune homme, cette expulsion est le résultat de "la carence de la préfecture de Seine-Saint-Denis qui l’a empêché de déposer et d’obtenir un titre de séjour ’jeune majeur’ auquel il pouvait prétendre l’année de ses 18 ans, et [du fait] que toutes les tentatives postérieures de régularisation de sa situation ont échoué".
"Ma vie est en France"
Je vais bientôt avoir 25 ans et je veux revenir en France car je n’ai plus de famille en Côte d’Ivoire. J’ai perdu mes deux parents quand j’étais tout petit. Je n’ai plus qu’une tante qui vit à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ma vie est en France. Tous mes amis sont là-bas.
Mes avocats m’avaient dit que je pourrais essayer de revenir en demandant un visa, mais je ne sais pas trop comment ça marche.
Je suis parti de Côte d’Ivoire le 30 septembre 2024. Je suis passé par le Mali et ensuite je suis entré en Mauritanie. Ici, je dois travailler tous les jours pour payer mon passage. On me demande environ 2 500 euros pour la traversée vers les Canaries. De toute façon, ici, si tu ne travailles pas, tu ne manges pas. (...)
Cette fois-ci, j’ai décidé de changer de chemin parce que des amis m’ont dit que la Mauritanie était moins dangereuse que la Libye.
La vie est très difficile en Mauritanie car les gens sont arrêtés dans la rue et envoyés vers les frontières [sénégalaises ou maliennes]. Je vis dans une sorte de foyer tenu par un homme qui héberge des travailleurs ivoiriens qui veulent atteindre l’Europe comme moi. On doit le payer 11 à 12 euros par mois. (...)