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Mediapart
Militants écologistes ou pour la justice sociale, ils ont été écartés des JO
#JO2024 #journalistes #militants #censure
Article mis en ligne le 11 août 2024
dernière modification le 8 août 2024

Mediapart a recueilli plusieurs témoignages de personnes dont l’accréditation pour travailler lors de Paris 2024 a été refusée. Si l’enquête administrative ne le mentionne pas, ils supposent que le point de blocage est leur engagement militant. Et racontent les conséquences sur leur quotidien.

Cette lettre, Hugo* se souvient l’avoir reçue début juillet, à quelques jours du début des Jeux olympiques (JO) et paralympiques (JOP). Signé par Paris 2024, le courrier d’une page indique, entre deux citations du Code de la sécurité intérieure, « qu’un avis défavorable a été émis » concernant sa demande d’accréditation après enquête administrative. À sa lecture, Hugo comprend qu’il ne pourra pas travailler pendant les Jeux olympiques.

Professionnel de l’audiovisuel, comme Léon dont nous vous racontions l’histoire il y a quelques jours, Hugo devait gérer les images retransmises en direct sur les écrans géants au Stade de France, lors des épreuves de rugby à sept, puis sur le site du Bourget pour l’escalade. (...)

Ayant participé à « deux ou trois manifestations » du collectif Extinction Rebellion, Hugo présume rapidement que ce sont ces activités militantes qui ont nourri le dossier du Sneas. (...) (...)

Aujourd’hui, sa crainte principale est qu’un autre job lui échappe à cause de son engagement. « Ça ne me dérange pas d’être identifié comme un militant écolo, mais que cela soit noté dans un fichier de l’État, un peu plus. » Pour en savoir plus sur sa situation et le contenu de l’enquête administrative, il dit avoir contacté le Défenseur des droits et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Sans retour pour le moment.

À l’image de Hugo, Mediapart a recueilli le témoignage d’une dizaine de personnes ayant vu leur accréditation refusée par Paris 2024 à l’issue de l’enquête administrative. (...)

Toutes et tous racontent une histoire similaire. Un mélange d’étonnement et de fatalisme à la réception de ce courrier, la prise de conscience que ce sont sûrement leurs engagements militants qui sont à l’origine du refus d’accréditation. Puis l’opacité sur les conclusions de ces enquêtes, dont les motivations de refus ne leur sont pas communiquées, pas plus qu’à Paris 2024, l’organisateur des Jeux. Enfin, la peur que ce fichage militant se généralise et qu’il impacte encore un peu plus leur quotidien. (...)

Il y a quelques jours, La Quadrature du Net a regretté dans un communiqué « l’utilisation hors norme des fichiers de police pour écarter des emplois liés aux JO les personnes ayant des activités militantes ». Un processus que l’association de défense des libertés numériques définit comme « une forme de discrimination fondée sur des critères opaques et proprement inacceptable ».

Pour l’avocate Marion Ogier, le nœud du problème lié à ces enquêtes réside dans cette collecte et consultation de données. (...)

Fin juillet, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a indiqué qu’un million d’enquêtes administratives avaient été réalisées sur des individus impliqués de près ou de loin dans les Jeux olympiques. Au total, 4 355 personnes susceptibles de présenter une menace pour l’événement ont été écartées.

Parmi elles : 880 personnes pour suspicion d’ingérence étrangère, 360 qui étaient sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français, 260 personnes fichées pour islamisme radical, 186 personnes fichées à « l’ultragauche », 142 personnes fichées S et 96 à « l’ultradroite », selon le décompte ministériel. Un nombre d’enquêtes « délirant », analyse le professeur de droit public Serge Slama, « dont les conséquences sont disproportionnées ».

Justifications auprès des employeurs (...)

Fonctionnaire, Zak réfléchissait depuis plusieurs mois à passer des concours pour évoluer professionnellement. « Mais cela ne sert plus à rien, je ne passerai pas l’enquête administrative. »