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Mediapart
Nicolas Sarkozy en prison, comme 90 % des condamnés dans sa situation
#Sarkozy #justice #prison
Article mis en ligne le 22 octobre 2025

Nicolas Sarkozy a toujours assuré qu’il voulait être traité comme n’importe quel justiciable : ni mieux ni moins bien. Il devrait donc se réjouir. C’est précisément ce qu’il lui arrive au regard des statistiques officielles.

Chaque jour, dans les tribunaux français, ce qui indigne Nicolas Sarkozy se produit : des condamnations de première instance ont des conséquences immédiates pour les personnes concernées, alors même qu’elles peuvent encore faire appel.

D’après les dernières statistiques du ministère de la justice, « 57 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées par le tribunal correctionnel envers une personne majeure ont été mises à exécution immédiatement » en 2024, un chiffre « en hausse de 14 points depuis 2020 ». Plus d’une peine sur deux devient donc réalité sitôt qu’elle est prononcée. Nicolas Sarkozy a quant à lui bénéficié d’un délai de presque un mois, avec le prononcé d’un mandat de dépôt différé lui permettant de s’organiser en amont de son incarcération. (...)

Le taux de mise à exécution immédiate monte à 86 % en comparution immédiate, un mode de jugement particulièrement expéditif et pourvoyeur de peines de prison. En ce qui concerne Nicolas Sarkozy, sa condamnation intervient au terme d’une information judiciaire, menée par des juges d’instruction. Dans les cas similaires au sien, 67 % des personnes condamnées sont incarcérées tout de suite. (...)

Plus la peine est sévère, plus il est difficile d’échapper à la prison : pour celles qui dépassent deux ans, le taux de mise à exécution immédiate atteint 90 %. Le pourcentage est forcément plus élevé pour celles et ceux qui, comme Nicolas Sarkozy, ont été condamnés à cinq ans ferme. Mais nous ne disposons pas de statistiques pour cette catégorie spécifique des condamnés. (...)

Le ministère de la justice distingue deux catégories de population parmi les détenu·es : les condamné·es et les prévenu·es, c’est-à-dire toute personne qui n’a pas encore été jugée ou dont la condamnation n’est pas définitive. C’est le cas de Nicolas Sarkozy, qui entre en détention provisoire, malgré sa condamnation de première instance, parce qu’il attend encore son procès en appel. Comme 26 % des personnes incarcérées, il est encore présumé innocent.

Lire aussi :

 Ce qui attend Nicolas Sarkozy à la Santé : des VIP témoignent

Choc carcéral, bruit incessant, règles ultra-contraignantes… Didier Schuller et Pierre Botton, qui ont été emprisonnés à la prison de la Santé, décrivent des conditions de détention difficiles à vivre pour les cols blancs, malgré leur statut privilégié.

Qu’on ait été familier des palais et des ors de la République, ou qu’on ait fréquenté la jet-set et les palaces, se retrouver cloîtré dans une cellule de 9 mètres carrés n’est pas chose facile. À plus forte raison quand on a évolué à la fois dans la stratosphère politique et les cimes du grand capital, comme Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’État, qui doit être incarcéré le 21 octobre à la maison d’arrêt de la Santé, va découvrir un univers entièrement inconnu.

Nicolas Sarkozy devrait être hébergé soit dans le quartier dit des « personnes vulnérables », soit au quartier d’isolement, cela pour des raisons de sécurité et de tranquillité. Le premier accueille régulièrement des policiers, des militaires, des douaniers ou des gardiens de prison, généralement mis en cause dans des affaires de corruption, d’espionnage, ou de violences intrafamiliales. Et parfois aussi des génocidaires rwandais, des chefs d’entreprise, et des politiques comme récemment Claude Guéant, Georges Tron ou Patrick Balkany. (...)

Depuis les lourds travaux de réfection de la Santé (de 2014 à 2019), il n’existe plus de « quartier VIP ». Toutes les cellules de la prison sont identiques, et en bon état, contrairement à beaucoup d’autres maisons d’arrêt : elles mesurent 9 mètres carrés, disposent de toilettes et d’une douche, ainsi que d’une plaque chauffante et d’un téléphone mural à code.
Un vrai choc

« Les cellules des vulnérables ou des isolés ne sont pas plus confortables que les autres, mais il n’y a généralement qu’un seul détenu. Alors que dans les autres quartiers, les types peuvent être deux, avec des lits superposés, ou trois avec un matelas par terre », explique cette source. Comme la plupart des maisons d’arrêt, la Santé est actuellement surpeuplée, avec un taux d’occupation de l’ordre de 190 %.

« Si Nicolas Sarkozy devait être placé à l’isolement, ce serait pour être plus au calme. Le QB4 est au-dessus du quartier des arrivants, c’est très bruyant. On entend les détenus hurler la nuit. En plus, la cour de promenade des vulnérables est visible depuis plusieurs cellules, ça peut être dérangeant. À l’isolement, il éviterait les contacts avec les autres détenus, et il aurait moins de risques d’être pris en photo. »

Une chose est sûre, les cols blancs qui se retrouvent en détention subissent un vrai choc. « Ils n’ont aucune idée d’où ils mettent les pieds », explique ce cadre pénitentiaire. Patrick Balkany, qui « faisait le fier en arrivant » dans le quartier des personnes vulnérables, aurait très mal supporté la détention, ne sortant au total qu’une ou deux fois en promenade. Idem pour Claude Guéant. (...)

 « Ma prison va craquer ! », des acteurs du système pénitentiaire témoignent ( juin 2025)

Mediapart donne la parole à des personnes qui travaillent dans des établissements pénitentiaires en surchauffe. Elles s’expriment sans détour, et tirent le signal d’alarme : si rien n’est fait rapidement, la catastrophe est proche.

C’est un affreux record qui est battu chaque mois : les prisons françaises n’ont jamais été aussi surpeuplées. Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de la justice, 83 681 personnes étaient emprisonnées au 1er mai, pour seulement 62 570 places disponibles, et l’on comptait 5 234 matelas au sol. En moyenne, le taux de densité carcérale est de 133,7 % au niveau national, avec des pointes à plus de 200 % dans vingt-trois établissements.

Personnels de la pénitentiaire, professionnel·les de la justice, associations, détenu·es et familles n’en peuvent plus de dénoncer les conditions indignes qui règnent dans les établissements, et craignent réellement un été à haut risque. Les rodomontades et annonces chocs des responsables politiques, qui réclament plus de sévérité et de nouvelles lois ultrarépressives à chaque fait divers, n’augurent rien de bon, au contraire. (...)

Après le rapport implacable du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) sur notre système carcéral, rendu public fin mai, Mediapart a choisi de donner la parole à quatre personnes parmi toutes celles qui travaillent quotidiennement en prison, affrontant des difficultés de tout ordre, et que l’on n’entend que rarement voire jamais. (...)

  • Jean-Laurent Bracq, visiteur de prison : « La violence naît de la promiscuité » (...)
  • Christophe*, cadre de l’administration pénitentiaire : « Nos personnels sont en train de lâcher prise » (...)
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  • Laure*, surveillante pénitentiaire : « On a de plus en plus de profils drogue et psychiatrie » (...)