Six associations ont annoncé avoir attaqué l’État français en justice pour "non-respect des droits humains" des plus de 2 000 migrants qui "survivent" dans des campements précaires autour de Dunkerque, notamment Loon-Plage et Grande-Synthe. Elles demandent un accès "à l’hygiène, à l’alimentation, aux soins, à l’hébergement" pour toutes ces personnes.
Les organisations Refugee Women’s Centre, Médecins du Monde, Utopia 56, Roots, Salam et Human Rights Observers expliquent dans un communiqué commun avoir déposé mardi une requête en référé liberté devant le tribunal administratif de Lille.
Elles demandent au juge de "constater l’atteinte grave et illégale aux libertés fondamentales commise par l’administration" envers les migrants dans le Dunkerquois et l’appellent "à ordonner à l’État de prendre des mesures immédiates et pérennes". (...)
En clair, ces associations dénoncent les conditions de vie "indignes" des hommes, femmes et enfants dans ces campements de fortune où ils "manquent de tout : accès à l’hygiène, à l’alimentation, aux soins, à l’hébergement, à l’information". (...)
Elles enjoignent aussi à l’État de leur assurer un accès à l’eau et à un minimum d’électricité.
"La Ville de Dunkerque a mis à disposition un seul robinet dans un lieu de vie, qui est enlevé suivant les démantèlements successifs", précise Charlotte Kwantes, d’Utopia 56, à InfoMigrants. "Pour tout le reste, ce sont les associations qui assurent. Avoir de l’électricité c’est essentiel, ça permet notamment aux migrants d’appeler les secours quand il y a un problème en mer [pendant les traversées de la Manche, ndlr]. Sans nous, sans les associations, les migrants n’auraient rien, ni à manger, ni de tentes, ni de premiers soins, ni de bois de chauffage".
Mises à l’abri ponctuelles
"Sur le Dunkerquois, la volonté de non-accueil de l’État agit à rebours du devoir d’humanité", fustigeait déjà à InfoMigrants l’an dernier Claire Millot de l’association Salam, pour qui les mises à l’abri temporaires et parfois lointaines organisées par la préfecture du Nord ne correspondent pas aux besoins "inconditionnels" des migrants sur le littoral.
L’État propose, en effet, des mises à l’abri après les démantèlements ponctuels de campements informels dans la zone de Dunkerque. Souvent, des bus sont dépêchés par la préfecture pour diriger les migrants vers des centres d’accueil et d’examen des situations (CAES), situés à Croisilles, Nédonchel et Trith-Saint-Léger. Sur place, des agents de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) présentent aux migrants leurs droits et les procédures envisageables : demande d’asile, hébergement en CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile), possibilité d’aide au retour volontaire. (...)
Mais le plus souvent, les migrants, désireux de rejoindre clandestinement l’Angleterre, refusent de rejoindre ces structures proposées par l’État et qui sont éloignées des côtes. Les exilés préfèrent patienter sur leurs lieux de vie, non loin des plages, en attendant de traverser la Manche.
"L’Etat les met en danger"
"L’urgence est là, sous nos yeux", alerte aussi Diane Leon, coordinatrice du programme Nord Littoral de Médecins du Monde, citée dans le communiqué, évoquant des "conditions de vie inhumaines". "En abandonnant ces personnes, l’État les met en danger et choisit de les rendre malades", estime-t-elle. (...)
"Le nombre de personnes exilées sur les campements informels du Dunkerquois a explosé, passant d’une moyenne de 750 à plus de 2 000 en 2025, avec de plus en plus de femmes et d’enfants. Mais nos moyens n’ont pas augmenté proportionnellement", déplore aussi Mathilde Bequaert de Refugee Women’s Centre.
En 2017, une action similaire avait déjà été menée par 11 associations concernant les campements de migrants dans la zone voisine de Calais.
Le tribunal administratif de Lille avait alors ordonné à l’État et aux collectivités locales de mettre en place des mesures d’aide, comme la création de points d’eau et de sanitaires dans ces campements. Une ordonnance validée par la suite par le Conseil d’État.
En juin 2025, la justice administrative a en revanche rejeté un recours en référé liberté de trois associations qui visait à enjoindre aux collectivités locales d’améliorer le ramassage des déchets des campements de migrants autour de Calais. Leur requête au fond n’a pas encore été examinée.