
Alors que la pandémie d’obésité explose, une vaste étude scientifique démontre que l’alimentation y contribue bien plus que l’absence de sport. L’étau se resserre encore sur les aliments ultratransformés.
(...) En 2022, une personne sur huit dans le monde était obèse, selon l’Organisation mondiale de la santé, soit 890 millions d’adultes et 160 millions d’enfants. Un nombre multiplié par deux pour les adultes depuis 1990 et par quatre pour les adolescents.
En parallèle, la vie moderne est devenue de plus en plus sédentaire. Pourtant, la diminution de l’activité physique n’aurait que peu d’effet sur l’obésité. Telle est la conclusion, contre-intuitive, d’une vaste étude internationale, menée par près de 70 chercheurs et publiée le 14 juillet dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
D’après ces scientifiques, la dépense énergétique totale des individus varierait très peu à travers le monde, quel que soit le mode de vie des populations. Cette dépense énergétique totale, qui comprend l’activité physique et l’activité cérébrale ou la dépense énergétique du corps au repos, a été analysée chez 4 213 adultes issus de 34 populations différentes, sur les six continents.
Activités physique et cérébrale se compensent
Résultat : que l’on soit chasseur-cueilleur hadza, en Tanzanie, nomade pastoral touvain en Sibérie, ou travailleur sédentaire occidental, on dépense peu ou prou la même quantité de calories par jour (une fois les données ajustées à la taille des organismes, les populations de pays développés sédentaires étant plus grandes en moyenne). (...)
Ainsi, faire plus de sport réduirait l’activité cérébrale — ou d’autres activités biologiques du corps — tandis qu’une moindre activité physique laisserait plus de place au cerveau pour dépenser de l’énergie. Au total, activités physique et cérébrale jouant les vases communicants, l’énergie que peut dépenser chaque jour un individu ne varierait que très peu, explique le chercheur au Washington Post.
La nourriture industrielle est logiquement suspectée
Quoi qu’il en soit, les auteurs de l’étude concluent que la dépense énergétique rapportée à la taille de l’organisme ne diminue que très légèrement à mesure que les pays se développent économiquement, de l’ordre de 6 à 11 % de baisse. De surcroît, la baisse est très variable et peu corrélée au mode de vie.
Pour les chercheurs, l’obésité, dont la progression est concomitante au développement économique, ne peut donc s’expliquer par le déclin de l’activité physique. Si la cause de l’obésité n’est pas imputable au nombre de calories brûlées, il faut chercher du côté des calories entrantes, c’est-à-dire de l’alimentation.
« Nos analyses suggèrent que l’augmentation de l’apport énergétique a joué un rôle dix fois plus important que le déclin de la dépense énergétique dans la crise moderne de l’obésité », écrivent les auteurs.
Ici s’arrête l’apport de cette étude, qui manque de données détaillées pour pouvoir comparer les régimes alimentaires des individus étudiés. En s’appuyant sur la littérature scientifique, les chercheurs mentionnent toutefois plusieurs hypothèses.
L’épidémie d’obésité étant corrélée au développement industriel, la nourriture industrielle est logiquement suspectée. Les chercheurs notent notamment que la production d’aliments ultratransformés (contenant plus de cinq ingrédients), constitue un changement récent du système alimentaire mondial, associé à l’épidémie d’obésité.
Plusieurs études font mention d’hypothèses comme la plus grande quantité de calories assimilées par l’organisme dans ces aliments, leur apparence ou leur composition nutritive qui perturbent le signal de satiété et encourage la surconsommation. L’environnement, saturé en molécules suspectées d’être obésogènes, comme les perturbateurs endocriniens, fait aussi partie des pistes (...)
« Ces aliments sont trop accessibles, bon marché et bien marketés » (...)
En janvier, une étude de l’ONG Foodwatch a analysé 400 produits vendus dans les supermarchés en France. Pizzas, petits pois, cordons bleus… le sucre ajouté y est omniprésent, y compris dans les aliments les plus inattendus. Les produits les moins sains sont aussi les moins chers, faisant des populations les plus précaires les premières victimes de la malbouffe.