
La santé mentale a été déclarée grande cause nationale en 2025. Pourtant, les centres médico-psychologiques (CMP) pour enfants et adolescents sont à bout de souffle. Submergés par l’explosion des demandes depuis la crise sanitaire, minés par le manque de pédopsychiatres, ils peinent à remplir leur mission.
Une réalité particulièrement marquée depuis l’explosion des troubles psychiques parmi la jeunesse à la suite de la crise sanitaire du Covid-19. Résultat : les professionnels de santé sont obligés d’opérer un tri entre les jeunes patients.
Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a promis en juin un renforcement des CMP, avec le développement de consultations sans rendez-vous, « notamment pour les enfants, adolescents, jeunes adultes ». Quelques semaines plus tôt, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, proposait quant à elle un « coupe-file » pour les élèves évalués par les services de santé scolaire. Une idée jugée déconnectée par les professionnels sur le terrain.
« C’est juste ridicule », s’agace Marie-José Cortès, présidente du Syndicat des psychiatres hospitaliers auprès du « Monde ». Elle ajoute : « Les CMP font déjà un tri tous les jours, avec un travail de hiérarchisation des demandes, alors que tous constatent l’augmentation exponentielle de la souffrance psychique chez les jeunes. »
Entre fermetures et désertification médicale
Le constat de saturation n’est pas nouveau, mais il s’aggrave dans une partie croissante du territoire. Dans certains départements, comme l’Allier ou le Rhône, les fermetures de CMP se sont multipliées ces dernières années, souvent pour cause de manque de pédopsychiatres. « Nous n’arrivons pas à recruter », témoigne également Davy Murgue, président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalier de Moulins-Yzeure.
À l’échelle nationale, la tendance est visible. En 2023, la France comptait 2 934 CMP, contre 3 152 en 2018, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Pourtant, le nombre de patients suivis n’a que faiblement augmenté : près de 2,2 millions en 2023, contre 2,1 millions cinq ans plus tôt (+3 %). Dans certaines zones rurales ou périurbaines, la désertification est réelle. « Plus on s’éloigne des grands centres urbains, plus le phénomène de désertification est important », souligne Marie-José Cortès, qui est aussi cheffe de service au centre hospitalier de Mantes-la-Jolie.
Des « liste d’attente insensées » et réorganisations sous contrainte (...)
« Aujourd’hui, on ne peut suivre, en CMP, que les personnes les plus malades, avec des décompensations psychotiques et psychiques graves, et les plus démunis socialement », déplore Jean-Pierre Salvarelli, vice-président du même syndicat et de la conférence des présidents de commission médicale d’établissement de centres hospitaliers spécialisés. Concrètement, on parle de « listes d’attente insensées, de six mois, d’un an, de deux ans… ». Son équipe tente de gérer l’urgence en classant les demandes par gravité, au prix d’un tri douloureux.
Les réorganisations s’imposent dans certains territoires. Pour cela, une solidarité entre les centres se développe pour limiter la casse. (...)
Mais cette logique de concentration a un coût humain et clinique. « Une grande partie de jeunes qui nous arrivent dans des situations d’urgence sont des enfants qui n’ont pu bénéficier, avant, du suivi qu’ils auraient dû avoir », souligne-t-elle. Avant d’ajouter : « Le manque de prévention et de soins a des conséquences. »