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Personnel « révolté », passagers « choqués » : des veaux vivants transportés par bateau en Normandie
#elevageintensif #veaux #maltraitanceAnimale #agroindustrie
Article mis en ligne le 13 juillet 2025
dernière modification le 10 juillet 2025

La compagnie Brittany Ferries transporte entre l’Irlande et la France de jeunes bovins vivants pour le compte de l’agriculture intensive. Des deux côtés de la Manche, des associations dénoncent cette pratique, au nom du bien-être animal.

« Il faut venir sur le parking, c’est terrible de les entendre meugler dans leur camion et parfois même en plein soleil. » Jean* [1] travaille pour la compagnie de transport maritime Brittany Ferries et souhaite rester anonyme. Depuis le mois de mars, son employeur a de nouveaux passagers sur ses bateaux qui font la liaison entre Rosslare, en Irlande, et Cherbourg, dans la Manche : des veaux, transportés par centaines, très jeunes, certains non sevrés.

Jean ne travaille pas directement sur la seule ligne de la compagnie concernée par cette pratique. Mais cet employé a assisté à plusieurs « déchargements » des animaux dans le port normand. « Personnellement, je ne suis pas fou de joie de voir le trafic de viande vivante, confie-t-il. Je sais que les veaux sont dirigés vers Montebourg [à une vingtaine de kilomètres de Cherbourg, ndlr] où il y a un hangar pour les faire sortir des camions et les abreuver, avant de repartir ailleurs. »

La compagnie maritime bretonne n’est pas la seule à transporter des animaux vivants, mais elle se trouve aujourd’hui dans le viseur de plusieurs associations. Car il s’agit là d’une reprise de cette activité, après une pause d’une trentaine d’années. La Brittany Ferries répond ici à une logique de marché de l’agro-industrie, quitte à transporter des veaux à peine séparés de leur mère pour une nuit entière de bateau, pour être envoyés ensuite à l’engraissage, par camion à l’autre bout de l’Europe.

Une pratique interdite en Grande-Bretagne

En 2019, plus de 14 000 moutons sont morts lors du chavirage d’un cargo au large du port de Midia, en Roumanie. En 2021, 2600 jeunes bovins sont abattus après trois mois de traversée et d’errance en Méditerranée. Le cargo et son chargement avaient été refoulés de leur port de destination en Turquie et de tous les autres ports de la région.

Quand le transport d’animaux vivants pour l’agriculture fait la une de la presse, c’est souvent à l’occasion de tels drames. Ce commerce invisible est pourtant globalement en augmentation à l’échelle mondiale – porté par une demande en viande en hausse dans les pays émergents, et des prix qui augmentent eux aussi. Certains pays ont en revanche mis un frein à cette pratique ces dernières années.

La Nouvelle-Zélande a mis fin à l’exportation d’animaux vivants par la mer depuis 2023 ; l’Australie compte faire de même en 2028. Au Royaume-Uni, depuis le 1er janvier 2025, l’exportation d’animaux vivants destinés à l’élevage ou à l’abattage est également interdite. C’est une première en Europe. Mais la pratique reste autorisée dans l’Union européenne. (...)

Le rôle des quotas laitiers

« Cette industrie existe depuis des décennies, mais elle s’est vraiment développée après la suppression des quotas laitiers en 2015, détaille Caroline Rowley, directrice de l’ONG irlandaise Ethical Farming Ireland. L’industrie laitière irlandaise a explosé, mais personne n’a réfléchi aux centaines de milliers de veaux mâles laitiers que cela produirait. Près de 1,5 million de veaux laitiers naissent chaque année chez nous, dont la moitié sont des mâles de peu de valeur. » En conséquence, le pays exporte de plus en plus ces très jeunes bovins vers le continent européen via la voie maritime. « Ironiquement, les Irlandais refusent de manger du veau parce que c’est cruel, mais envoyer ces animaux sur de longs trajets vers des fermes de veaux aux Pays-Bas, cela semble acceptable… » déplore Caroline Rowley. (...)

« Pendant des années, la Brittany Ferries était contre cette pratique, ils ont changé leur politique et en tant qu’employé nous ne pouvons que subir la chose », regrette Thomas Favrel, délégué syndical CGT au sein de l’entreprise. (...)

Au-delà du personnel de l’entreprise, certains passagers sont aussi décontenancés de côtoyer de jeunes bovins durant leur voyage. « J’ai découvert que je voyageais sur le ferry en compagnie de bébés veaux vivants, entassés sur deux étages dans un camion, qui ont hurlé durant toute la traversée de plus de 15 heures, témoigne un passager. Leur camion était placé sur le pont, juste à côté des machines qui faisaient un bruit terrible et pourtant on entendait leurs cris de détresse. Le personnel navigant questionné était révolté et les passagers choqués. » (...)

Des conditions illégales ?

Les compagnies irlandaise Irish Ferries et suédoise Stena Line pratiquent aussi le transport d’animaux vivants dans la Manche. (...)

Avant d’être débarqués sur le continent, les animaux subissent une très longue traversée, d’au moins 15 heures, et jusqu’à 18 heures, pendant laquelle ils ne sont pas nourris ni même abreuvés. « C’est une situation moralement inacceptable et en violation de la loi européenne, dénonce Emma Fourreau, eurodéputée (La France insoumise). (...)

Originaire de Normandie, la députée européenne s’était déjà rendue à Cherbourg pour la première manifestation des ONG à ce sujet, le 7 avril 2025. (...)

Aussi différentes soient-elles, les cinq associations présentes sur le rond-point des Mielles à Cherbourg le 21 juin ont toutes exprimé leur volonté de faire pression sur la compagnie bretonne pour qu’elle cesse ces transports, et plus généralement pour interdire le transport long d’animaux vivants, avec une attention particulière aux veaux non sevrés. (...)