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Peut-on encore combattre les fake news ? Dans les rédactions, le fact-checking sous tension
#factchecking #information #desinformation
Article mis en ligne le 3 avril 2025
dernière modification le 1er avril 2025

Supprimée par des réseaux sociaux comme Meta, la vérification des faits menée par des professionnels de l’information est de plus en plus remise en cause et parfois considérée comme une censure par le public. Dans les journaux, l’inquiétude monte. Décryptage.

Les fake news seraient-elles en passe d’avoir le champ libre ? Réunis en conférence mardi 25 mars, à Bruxelles, des professionnels de l’information ont exprimé leur inquiétude quant à l’avenir de la vérification des faits en ligne. « Le fact-checking est en danger de mort », a alerté la députée européenne Nathalie Loiseau durant cette rencontre, dont Le Figaro s’est fait l’écho. Tentatives de manipulation de l’information opérées par la Russie, la Chine, et désormais les États-Unis, harcèlement de fact-checkeurs dans un nombre croissant de pays : les menaces sont légion.

Cette réunion intervient trois mois après la publication d’une vidéo de Mark Zuckerberg, dans laquelle il annonce mettre fin aux programmes de vérification de l’information financés par Meta. « Les fact-checkeurs ont été trop biaisés politiquement, explique-t-il, avant de comparer ces journalistes à des censeurs. Ils ont plus abîmé la confiance qu’ils ne l’ont restaurée, particulièrement aux États-Unis. » Quelques mois plus tôt, Elon Musk, propriétaire de X, supprimait toute forme de modération sur son réseau social – devenu depuis un cloaque où prospèrent fake news et idées d’extrême droite.
Avec l’IA, un changement d’échelle ?

Après deux décennies d’existence, le fact-checking est remis en cause par les magnats du numérique, alignés sur l’agenda trumpiste. (...)

Mettre fin à ces programmes, c’est économiser beaucoup d’argent et donner des gages à l’extrême droite. »

Ces annonces risquent d’avoir des effets jusqu’en France : si Meta a reconduit son partenariat avec l’AFP Factuel pour un an, le service de fact-checking de l’Agence France Presse pourrait voir son existence menacée à brève échéance. « Perdre Meta, qui est l’un de nos plus gros clients, voudrait dire licencier des journalistes, regrette Grégoire Lemarchand, en charge de la stratégie numérique à l’AFP. Ces annonces arrivent au pire moment : avec l’émergence de l’intelligence artificielle, la désinformation pourrait changer d’échelle. » (...)

Née dans les années 2000 aux États-Unis pour lutter contre le mensonge en politique (sur des sites comme factcheck.org, politifact, ou désintox.com), cette forme de journalisme a toujours été attaquée. « Les critiques venaient surtout de personnalités politiques, qui ont rapidement estimé qu’elles ne pouvaient plus rien dire sous peine d’être censurées ou taxées de complotistes », rembobine Pascal Froissart, professeur des universités au Celsa et auteur de L’Invention du fact-checking (éd. PUF, 2024).

" C’est déstabilisant pour nos régimes démocratiques de constater que la vérité est devenue quelque chose de secondaire."Romain Badouard, chercheur en sciences de l’information et de la communication (...)

« Les frontières entre “faits” et “opinions” se brouillent chaque jour davantage, sans que l’on sache quantifier les effets de cette désinformation. » S’il est probable que les fake news ont joué un rôle dans des élections, comme le vote du Brexit ou l’élection de Donald Trump en 2016, il semblerait que la désinformation massive entache désormais notre propre rapport à l’information. (...)

À qui profitera la déstabilisation ? « Qu’il s’agisse des médias Bolloré, de Donald Trump, d’Elon Musk, ou de J.D. Vance à Munich, tous ces gens tentent, à coups de fausses informations, de combattre les faits pour imposer une vision vérolée de la liberté d’expression, qui correspond en réalité à une loi du plus fort », pointe l’historien des médias Alexis Lévrier. Et d’imposer au passage l’idée qu’ils se font du régime politique idéal : plus radical, plus violent, et certainement pas plus libre.