
Il y a quatre mois encore, Ekaterina Duntsova était une parfaite inconnue. Journaliste indépendante à Rjev, petite ville de 60.000 habitants à quelque 230 kilomètres à l’ouest de Moscou, elle a surpris les étroits cercles libéraux russes en se déclarant candidate à la présidentielle. Face au chef du Kremlin, Vladimir Poutine, le 17 mars prochain. « Désormais, il n’y a plus de pas en arrière. Droit devant ! » confie-t-elle aux « Echos » autour d’une tasse de thé dans un restaurant du centre de Moscou.
(...) Sans surprise, la commission électorale a, fin décembre, rejeté sa candidature, pour cause d’irrégularités dans son dossier. (...)
Mais Ekaterina Duntsova voit loin : elle vient de déposer les premiers documents pour créer son parti. Début mars, deux semaines avant le scrutin, elle veut tenir son premier congrès, et elle prévoit des déplacements en province, à Mourmansk d’abord puis à travers la Russie. Elle vise les prochaines élections, locales en septembre prochain, et à terme présidentielle en 2030. Elle aura 46 ans. Vladimir Poutine, alors 77 ans, pourra à nouveau se présenter, trente ans après son arrivée au pouvoir…
« Je n’ai jamais voté pour lui. En Russie, il faut mettre fin aux élections sans choix ! » insiste Ekaterina Duntsova de sa voix calme. Journaliste mais aussi élue locale, elle dit avoir ressenti le besoin « de passer à une autre étape » et, avec quelques proches pareillement désireux d’alternatives politiques, « avoir eu l’idée d’oser se présenter face à Poutine ». (...)
Forte d’un réseau de soutiens locaux « de Kaliningrad à Vladivostok », elle a aussi des relais à l’étranger, parmi les Russes partis en exil. En moins de quatre mois, sa chaîne sur Telegram, le plus populaire des réseaux sociaux dans et à l’extérieur du pays, est passée de quelques dizaines à plus de 300.000 fidèles. (...)
elle sait que « les autorités vont tout faire pour éviter d’enregistrer mon parti. Parce qu’elles veulent bloquer toute initiative qui perturbe le calme apparent et… parle de la paix ! »
Rétablir la confiance en l’état de droit
En se disant « pour la paix », Ekaterina Duntsova ne cache pas son opposition à « l’opération militaire spéciale » lancée depuis près de deux ans par le Kremlin en Ukraine. Prudente, la rebelle fait cependant attention aux mots utilisés. (...)
Ekaterina Duntsova assure ne pas avoir reçu de convocation au tribunal. « Mais qui sait ce que préparent les juges… » ironise-t-elle. (...)
Pour sortir du conflit avec l’Ukraine, elle est prête à des négociations, y compris avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. En guise de programme politique, elle est pareillement claire et déterminée : « libérer les prisonniers politiques, abolir les lois sur les agents de l’étranger et autres mesures répressives, réformer le système judiciaire, rétablir la confiance en l’Etat de droit… » Et de conclure : « Je n’ai pas peur. »