Au procès Lafarge pour financement du terrorisme, le groupe français et plusieurs de ses ex-responsables sont accusés d’avoir payé des groupes terroristes, dont l’État islamique, entre fin 2012 et 2014, pour maintenir en activité son usine de Jabalia, dans le nord syrien. Au terme de plus de six heures d’un réquisitoire à deux voix, les magistrates antiterrorisme ont demandé des peines allant jusqu’à huit ans de prison pour les personnes physiques et l’amende maximale contre la société Lafarge.
Le groupe français Lafarge aurait versé « à minima » 4 694 000 euros aux groupes terroristes. Un montant « inédit » et « ahurissant », insiste la procureure. Quatre millions d’euros, cela équivaut à plus de 4 000 kalachnikovs ou aux rémunérations de 3 500 à 6 600 combattants de l’État islamique pendant un an – en se basant sur des rémunérations connues fluctuant de 50 à 100 dollars par mois par moudjahidine – pointe-t-elle. Un montant « vertigineux » qui « traduit le fonctionnement systématique mis en place, revenant à considérer des groupes terroristes comme des partenaires économiques, des interlocuteurs commerciaux », fustige la magistrate.
D’une liste non exhaustive d’exactions commises dès fin 2012, elle balaie l’un des axes de défense des prévenus : « Non, il n’y a aucun doute : ils savaient qu’ils discutaient, négociaient, commerçaient, avec trois organisations évidemment terroristes ». Pour elle, ce dossier est « l’histoire de la faillite totale d’individus qui auraient pu choisir de partir », « l’histoire du dévoiement d’un fleuron de l’industrie française qui en est venu à financer des organisations terroristes pour une seule visée mercantile ». Car c’est bien « la poursuite des affaires à tout prix » qui a motivé l’instauration de ce « business modèle », « mis en œuvre par l’action coordonnée des prévenus », dit-elle.
Décideurs, conseillers de terrain, intermédiaires, « quelle que soit leur implication dans la chaine opérationnelle », chacun « a contribué à rendre possible les faits reprochés à Lafarge ». Les prévenus n’ont pas exprimé de regrets ni « ébauché de remise en cause », souligne aussi sa consœur.
Une filiale syrienne qui s’est comportée en « en animal commercial » (...)