
Le tribunal correctionnel de Paris juge cette semaine des méthodes de l’agence de Mimi Marchand et de ses photographes. Au menu du premier jour, le « scoop » obtenu autour des vidéos intimes de celui qui voulait être maire de Paris, et la relation policiers-paparazzi.
Il y a des unes de Paris Match qui restent plus que d’autres. Le numéro 3694 du magazine, brandi lundi 26 mai par la présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, en fait sans doute partie. « Affaire Griveaux. Le piège. Les diaboliques qui ont fait chuter le candidat », titrait l’hebdomadaire le 20 janvier 2020, pour accompagner une photo pleine page de Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo, en train d’être interpellés par la police.
L’arrestation du couple est un scoop à l’époque, le lendemain du refus de Benjamin Griveaux de continuer de porter sa candidature à la mairie de Paris. Le macroniste est victime de la diffusion de vidéos à caractère sexuel sur Internet, qui conduisent jusqu’à son retrait de la vie politique. À la manœuvre : Alexandra de Taddeo, censée être seule destinataire de ces images, ensuite diffusées par son petit ami de l’époque, Piotr Pavlenski.
Si l’affaire a été jugée en 2023 – l’artiste russe écopant de six mois de prison alors que son ex-compagne a été relaxée en appel en janvier dernier –, le tribunal s’intéresse désormais aux conditions de cette arrestation très médiatisée. En cause, l’échange d’informations confidentielles entre un policier et un paparazzi, accusés d’avoir fait équipe pour aboutir à cette interpellation, au mépris de tout secret professionnel. (...)
C’est le premier volet d’un procès plus large qui touche aux méthodes de Mimi Marchand, la « papesse de la presse people » qui dirige l’agence de photos Bestimage, et de photographes qui travaillent avec elle. Dans ce procès qui s’étalera jusqu’au 2 juin, il ne sera toutefois pas question de toutes les affaires concernant cette proche du couple Macron comme du couple Sarkozy. La fameuse affaire de la fausse rétractation de Ziad Takieddine, dans laquelle elle a joué un rôle central, en est par exemple encore au stade de l’instruction.
Bien que présente au tribunal lundi 26 mai, Mimi Marchand n’est d’ailleurs pas directement concernée par cette première journée du procès – elle a bénéficié d’un non-lieu dans ce volet. Mais comparaît un photographe qui a fréquemment travaillé pour elle, Sébastien Valiela, spécialisé dans la presse people, connu pour avoir été l’auteur des premiers clichés de François Mitterrand et de sa fille cachée, Mazarine Pingeot, ou encore des images dans Voici du couple François Hollande et Julie Gayet. (...)
Après avoir suivi discrètement Alexandra de Taddeo avec l’un de ses collègues photographes, Sébastien Valiela mène la police directement devant un hôtel, où se trouve Piotr Pavlenski. À sa sortie, il est cueilli par la BAC, le duo de paparazzis est parfaitement placé : les clichés sont exclusifs, ils sont vendus par Bestimage à Paris Match, pour un total de 18 000 euros. Pour les équipes de police, l’opération est un succès. (...)
« Tout le monde est content. Chacun a fait son travail de son côté, je n’imagine pas que ça va poser problème », euphémise à la barre Sébastien Valiela, qui évoque un travail « habituel » entre police et journalistes, ce qui a le don de tendre la juge : « Vous n’êtes pas au courant que les enquêtes de police sont secrètes ? » (...)
Le procès-verbal falsifié
Marc M. est quant à lui bien moins à l’aise. « J’ai enchaîné les bêtises. J’ai presque tout perdu avec ça », s’excuse, ému, celui qui a été mis à la retraite d’office fin 2022, et vit désormais de quelques contrats dans la sécurité privée. Car au-delà d’une poursuite pour violation du secret professionnel, le brigadier est également accusé d’avoir falsifié le procès-verbal qui rendait compte de l’opération. Un « faux en écriture publique », qui correspond à une qualification d’ordre criminel, punie jusqu’à dix ans de prison et de 150 000 euros d’amende.
Lui-même le reconnaît, il n’a mentionné à aucun moment la présence du photographe dans sa filature décisive, et a inventé une version plus conforme (...)
Si le tribunal identifie donc bien l’intérêt in fine pécuniaire de coopérer avec la police pour Sébastien Valiela, il peine encore à comprendre pourquoi le policier Marc M. a pris de tels risques : dans l’enquête diligentée par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), aucun élément concret n’est ressorti sur de potentielles sommes d’argent qui auraient transité dans cette « coopération sans réserve », comme l’a qualifiée Marc M. lui-même en audition.
Un échange de bons procédés
Les prévenus jurent que l’enjeu n’est pas financier. Tout juste un pot ensemble pour fêter cet « échange de bons procédés » a été organisé entre le photographe, Marc M. et deux de ses collègues. (...)
mardi 27 mai : le tribunal va s’intéresser au second volet de l’affaire dans ce procès. Trois jours après l’arrestation du couple Pavlenski-de Taddeo, le brigadier Marc M. et le photographe Sébastien Valiela sont accusés d’avoir de nouveau coopéré dans la transmission d’informations confidentielles, liées à la fille de Karine Le Marchand. Cette fois-ci, ils partageront l’accusation avec Mimi Marchand, appelée aussi à comparaître dès mardi.