
Dans la maison des secrets, tout n’est pas dissimulé. Le harcèlement raciste et misogyne que subissent les deux candidates noires, Romy et Anita, est par exemple complètement ostensible. Depuis le premier épisode de cette 13e saison de Secret Story, diffusée depuis un mois sur TFX, les deux jeunes femmes essuient remarques sur remarques. (...)
Pour la journaliste Christelle Murhula, autrice du livre Amours silenciées, Repenser la révolution romantique depuis les marges, ce harcèlement s’inscrit dans la « misogynoire ».
Avec la contraction des mots misogynie et noire, ce concept nomme les discriminations au carrefour entre le sexisme et le racisme. Il a été développé par la militante et écrivaine américaine Moya Bailey en 2008, et prend appui sur les travaux relatifs à l’intersectionnalité de la juriste Kimberlé Williams Crenshaw.
Le stéréotype de la « angry black woman »
Ce ne sont que des stéréotypes issus d’un imaginaire colonial. » La journaliste développe : « Dans les premiers épisodes, Romy s’est montrée calme. Les autres candidats ont pensé qu’elle faisait la gueule. Ensuite, elle faisait des blagues. Les autres candidats la voyaient comme un divertissement. Dans les épisodes suivants, elle s’est davantage affirmée. Alors, elle s’est vu attribuer le stéréotype de la femme noire toujours en colère. » (...)
Le harcèlement, candidat emblématique des émissions
Le harcèlement a toujours existé dans les téléréalités. Il nourrit les « dramas », qui tiennent en haleine les spectateurs. Pour le sémiologue des médias et spécialiste de la télé-réalité François Jost, le « harcèlement est lié au genre de l’émission ». Pour lui, il est consubstantiel à la téléréalité : « Le casting est pensé pour qu’il y est des antagonistes. Une ou deux personnes, souvent des femmes, sont prises comme bouc émissaire. Cela permet de souder le reste du groupe, de créer des séquences. » (...)
. « Je pense que la plupart ne saisissent pas l’importance du rôle de ces programmes dans la construction d’une idéologie, alerte-t-il. Tout ce qui touche à la télé-réalité est considéré comme mineur. Pourtant, elle est très suivie, façonne des valeurs, et peut entraîner de réelles dérives. »
L’émission qui cartonne, enregistrant jusqu’à 577 000 spectateurs pour le dernier prime, le 10 juillet, n’est pas exemptée du racisme banalisé dans le paysage médiatique français.