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le Café Pédagogique
Réseaux sociaux, écrans : des craintes éducatives à creuser
#numerique #ecole #education
Article mis en ligne le 21 mai 2025
dernière modification le 17 mai 2025

0 jours sans écran ? Pour Bruno Devauchelle, « une tendance lourde à tenter de résoudre le problème par la réglementation plutôt que par l’incitation et la préconisation ». « Après le « solutionnisme » technologique, c’est le coercitif qui prend la main. Alors que la question de la parentalité est depuis de nombreuses années au coeur des débats en incluant la qualité de vie sociale, on accepte l’idée que l’on n’y peut rien uniquement en œuvrant « culturellement » en direction des adultes éducateurs, et qu’il faut « contraindre » de l’extérieur. C’est un constat d’échec du monde éducatif. »

La multiplication des annonces à propos du numérique en éducation et souhaitant l’encadrer, le limiter, le contrôler est un indicateur du désarroi du monde adulte. La dernière mesure annoncée par Elisabeth Borne Ministre de l’éducation ne concerne pas la périphérie du monde scolaire, mais le cœur. Les Environnements Numériques de Travail dont Pronote est un des éléments devrait faire l’objet d’un « droit à la déconnexion » de 20h à 7h le matin. Comment comprendre ce revirement par rapport à ce qui est devenu le cœur du numérique de l’organisation scolaire et qui a été initié en 2003 et renforcé pour le primaire en 2020 (contenu dans le projet « Territoires Numériques Educatifs »). Alors que les parents et les enfants ont construit des habitudes d’usage, voici qu’il faudrait les limiter. Les parents et les jeunes savent bien, depuis longtemps, réguler leurs accès à ces logiciels de vie scolaire, car leur lien avec le travail scolaire (cahier de texte, suivi des évaluations des notes) les a rendus presqu’indispensables. Il faut resituer cette annonce dans le contexte du moment et la multiplication des propos de toutes natures visant à limiter le numérique.

Une trainée de poudre contre les usages du numérique par les jeunes. (...)

Il s’agit d’alerter aussi bien les pouvoirs publics que le grand public, souvent en agitant le spectre d’une catastrophe à venir, mentale, cognitive et sociale, à défaut d’économique. Ce qui caractérise ces propos c’est, pour la plupart d’entre eux, qu’ils ne prennent pas le temps d’approfondir, d’expliquer, de prouver, mais qu’ils préfèrent faire passer leur message, utilisant parfois les arguments d’autorité du genre : la recherche le prouve, de nombreux articles en parlent etc.

Des adultes comme les autres, hier comme aujourd’hui

Les enseignants sont des adultes comme les autres et aussi souvent parents. Si le monde adulte s’exprime sur les jeunes et leurs comportements, les jeunes, eux, tentent de vivre dans l’environnement tel qu’il est en particulier avec le numérique. Ils ne l’ont pas choisi ce sont les adultes d’aujourd’hui qui l’ont mis en place, sans en mesurer l’impact potentiel. (...)

si de nouvelles technologies sont devenues disponibles et généralisées, les discours, eux, sont très peu actualisés… (...)

il y a la référence que porte l’ensemble de l’institution scolaire qui s’érige en « autorité » des comportements et des attitudes acceptables. Il y a derrière cela un « modèle de normalité » qui est rarement explicité. Il y a aussi la reconnaissance implicite de l’existence d’une boite noire éducative : comment les enfants et les jeunes sont éduqués en dehors de l’école ? Il est aussi important de parler de « l’effet loupe » ou encore de « l’effet perception subjective », deux éléments qui amplifient très fortement les analyses de la réalité, parfois en décalage avec les réalités sociologiques. De là où je parle, de ce que je vis, mon expérience est généralisée et est énoncée comme vérité universelle et à ce titre impose des décisions, parfois radicales mais pas toujours étayées et analysées solidement.

Chacun de nous peut être pris dans ces mécanismes. (...)

Faut-il recommencer les cures de sevrage numérique ?

Le lancement, à nouveau, de dix jours sans écrans (ce mardi 13 mai : https://10jourssansecrans.org/ ) est symbolique de ces questions. Alors que l’enseignement catholique avait déjà promu ce genre de pratique il y a plus de dix ans déjà, l’état reprend l’idée et la promeut. De manière récurrente, comme pour la limitation d’âge pour les réseaux sociaux et les sites pornographiques ou encore la surveillance des pratiques de l’IA, il y a une tendance lourde à tenter de résoudre le problème par la réglementation plutôt que par l’incitation et la préconisation, comme par exemple les propositions faites par Serge Tisseron (3-6-9-12). (...)

’IA une nouvelle donnée pour de nouvelles confrontations

L’arrivée de l’IA dans l’espace public en novembre 2022 a ouvert une nouvelle brèche, mais n’a pas refermé les précédentes. Au contraire, elle ne fait qu’élargir les interrogations. Mais là, ce n’est plus la parentalité qui est en question, mais l’institution scolaire et universitaire qui est directement mise en cause comme le prouve la multiplication des évènements organisés dans les établissement scolaires et universitaires depuis près de deux ans. (...)

Si, jusqu’à présent, l’école et l’université avaient réussi à contenir les assauts des technologies numériques et audiovisuelles, désormais la lutte a changé de terrain et d’ampleur. Elle est désormais au coeur du fonctionnement institutionnel, le dénonçant en quelque sorte. Les questionnements venaient de pratiques externes (conflit générationnel autour des usages des technologies), désormais ils viennent de pratiques internes spécifiques au fonctionnement scolaire (conflit méthodologique sur la manière d’enseigner et d’évaluer).

L’effervescence du moment autour de ces questions est un mauvais signe. La génération qui a conçu ces techniques et surtout qui les a diffusées, massifiées et démocratisées serait-elle dépassée ? (...) Le numérique est-il un bouc émissaire ?

Bruno Devauchelle enseignant en lycée professionnel, puis formateur d’adultes en particulier dans l’enseignement et enfin enseignant-chercheur