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Salah Hammouri : « La détention administrative a été un moyen de détruire la société palestinienne »
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Article mis en ligne le 8 octobre 2025

Depuis 1967, plus d’un Palestinien sur trois a été arrêté et détenu par Israël au cours de sa vie. Parmi eux, cet avocat franco-palestinien qui a passé plus de dix ans dans le système carcéral israélien avant d’être déporté en France en 2022. Son témoignage révèle la façon dont l’enfermement permet à Israël de contrôler la société palestinienne.

Le franco-palestinien Salah Hammouri est né en 1985 à Jérusalem. Il est arrêté pour la première fois en 2001, à l’âge de 16 ans. Incarcéré entre 2005 et 2011, il devient ensuite avocat. En août 2017, il est placé en détention administrative pour 13 mois. En mars 2022, il est à nouveau emprisonné. En vertu de la loi de 2018 sur le « défaut d’allégeance », Israël lui retire sa carte de résident. Il est déporté en France en décembre 2022. (...)

Après 1948, les Israéliens ont gardé la détention administrative créée lorsque la Palestine était sous mandat britannique. Il y a trois niveaux de détention administrative. Pour les Palestiniens de Cisjordanie, c’est le chef de l’armée israélienne qui ordonne l’arrestation ; pour les résidents de Jérusalem, c’est le ministre de la Défense ; et pour les Palestiniens de 1948 [expulsés lors de la Nakba, N.D.L.R.], c’est le premier ministre. (...)

Ensuite, les gens sont arrêtés, ils subissent des interrogatoires. Cette détention est basée sur un dossier de sécurité secret que seuls le procureur et le juge israéliens détiennent. Ni l’avocat ni les personnes détenues n’en connaissent le contenu ni le motif de la détention. On peut avoir un ordre d’un mois jusqu’à six mois, renouvelables. Depuis le début de l’occupation, la détention administrative a été utilisée comme un moyen de détruire la société palestinienne. Par exemple, si un couple se marie, un mois avant, les Israéliens placent l’un des deux en détention administrative. (...)

C’est une façon de casser la société, de la contrôler, de ne pas laisser un Palestinien planifier son futur. La détention administrative s’est intensifiée pendant la première Intifada, durant les accords d’Oslo et pendant la deuxième Intifada. Quand j’étais détenu sous ce régime en 2004, on était presque 6 000 en détention administrative. Certains prisonniers ont passé plus de 15 ans sans aucun jugement, sans savoir pourquoi ils étaient en prison.

Comment s’organise la résistance au sein des prisons ?

La lutte interne dans les prisons est un héritage des générations qui nous ont précédés. La première lutte a commencé en 1967 dans un contexte de montée en puissance de la lutte nationale palestinienne. L’idée était de séparer les prisonniers politiques des prisonniers de droit commun. Elle a été gagnée en 1969. Aujourd’hui, au moins 10 800 Palestiniens sont des prisonniers politiques. (...)

On avait d’autres moyens de protester avant la grève de la faim. On pouvait refuser de se mettre debout pour les comptes, ou de sortir dans la cour. Les grèves de la faim collectives prennent des années de préparation et de coordination. Il faut que la période politique soit adaptée. Il faut que ce soit mi-avril ou au début de l’automne, pour tenir malgré la chute de la température du corps. Ce n’est pas facile éthiquement de décider de faire grève, parce qu’on savait que certains mourraient. (...)

La France envoie des armes directement en Israël. Elle a un intérêt direct dans ce génocide en cours. Et ce n’est pas nouveau. C’est la France qui a doté Israël en 1959 de son projet nucléaire avec ses 250 bombes. Israël peut détruire le monde entier deux fois de suite grâce à la France. Étant donné les conditions imposées par Macron pour reconnaître la Palestine, sa démarche ne vise qu’à sauver la peau d’Israël. (...)

Les prisonniers palestiniens subissent un niveau de violence encore jamais atteint. Au moins 76 prisonniers, dont 46 de Gaza, sont morts depuis octobre 2023. Sans parler des dizaines de corps de prisonniers détenus dans les prisons. Nous n’avons pas les chiffres exacts des Gazaouis arrêtés, mais il y a des centaines de disparus, on ne sait pas s’ils sont morts ou vivants. On sait qu’il y a entre 1 500 et 3 000 détenus gazaouis enfermés dans trois prisons. D’abord à Sde Teiman, dans le désert du Néguev [surnommé le « Guantanamo israélien », N.D.L.R.]. (...)

Par exemple, avant de mener des Gazaouis vers cette prison, les soldats les ont enterrés dans le sable pendant une semaine, laissant seulement leurs têtes dépasser. Les soldats ont lâché les chiens, pour leur pisser dessus. Ils les ont emmenés à la prison et les ont torturés de façon inimaginable. Une autre partie est détenue dans la prison d’Ofer, dans des sections spéciales.

La troisième partie est dans la prison de Ramleh, fermée en 1986 après la mort de plusieurs détenus et rouverte ensuite. Une partie de la prison, qui est destinée aux « prisonniers de haute sécurité », s’appelle « le train ». Car il n’y a que des cellules d’isolement, sur la longueur. Il y a des Libanais, des Syriens et des Palestiniens. C’est la torture quotidienne là-bas, les gens sont affamés, ne sont pas soignés. Benyamin Netanyahou a confié ce dossier à Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale. (...)

Le 18 décembre 2022, j’ai été déporté après une longue procédure. Ils sont venus, ils m’ont menotté, mis dans l’avion. La veille, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, a contacté ma femme pour lui dire de me récupérer dans un parking, en disant : « Vous venez au calme, sans militants. » (...)

Ça signifie que le gouvernement français savait que j’allais être déporté. Ils ont choisi la date avec les Israéliens : le jour de la finale de la Coupe du monde, qui occupait la presse. Ma femme a quand même prévenu du monde. J’ai été accueilli par des militants et des députés. Dès mon arrivée, je me suis fait attaquer. Les premiers six mois étaient difficiles, à cause du choc, du fait que je n’avais pas le droit d’entrer chez moi. Et je suis arrivé dans une ambiance politique raciste, de droite et d’extrême droite. Le ministre de l’Intérieur lui-même a lancé des accusations d’antisémitisme contre moi. (...)

Quand tu vois qu’un ministre incite à la haine contre un citoyen tout juste déporté, tu te demandes à quel niveau de racisme on est. Après six mois, j’ai commencé à me réveiller politiquement, à faire des conférences. Plusieurs ont été interdites par des maires ou des préfets. J’ai gagné au tribunal administratif. Les attaques continuent. La préfecture du Val-de-Marne vient de demander à la mairie d’Ivry de m’enlever ma citoyenneté d’honneur. (...)
Le combat qu’on mène aujourd’hui en France n’est pas que pour sauver la Palestine et les Palestiniens. Il est aussi pour sauver la société française. Ce qui est important, c’est de faire le lien. Les États ont toujours essayé de fragmenter les combats des peuples. Aujourd’hui, Gaza a pu réunir ces combats. Tout le monde a ouvert les yeux sur la situation internationale. Il faut garder ça.


Amnesty International
Pétition Génocide à Gaza : la France doit mettre fin à l’impunité d’Israël 

Pétitions citoyennes ➡️ Assemblée Nationale : Demande de sanctions à l’encontre de l’État d’Israël et de ses dirigeants en raison de violations graves du droit international

Pétitions citoyennes ➡️ Assemblée Nationale : GAZA A FAIM : Pour un accès immédiat, sans conditions, à l’aide humanitaire !