
Une étudiante de Science Po Paris nous a écrit pour raconter l’ambiance qui pèse en ce moment sur les campus de l’élite politique française. Le fond de l’air est brun
“Le 22 juillet, 25 étudiant-es de Sciences Po ont reçu un mail les informant que la section disciplinaire de Sciences Po avait été saisie contre elles et eux. Il n’y a aucune info supplémentaire, juste un dossier et une date limite pour rendre leur version des faits. Le pire c’est que la saisie date du 16 juillet, alors que le 15 nous recevions toustes un mail de Jean Bassères, notre directeur qui disait que « toutes les équipes de Sciences Po travaillent activement pour que l’année universitaire à venir se déroule dans un climat apaisé et serein ». Visiblement la vision d’un climat apaisé et serein, pour l’administration, consiste à envoyer les flics sur des étudiant-es pacifiques et en poursuivre 25 en procédure disciplinaire pour montrer l’exemple. Vachement apaisé le climat…”
Intimidation et procédures disciplinaires
Depuis le mois de mars, en solidarité avec la Palestine, mais aussi avec les étudiant-es réprimé-es de Columbia et du monde entier, plusieurs établissements de Sciences Po Paris ont été mobilisés. Occupations, rassemblements, boycotts d’examens et blocages, cet engagement politique n’a visiblement pas été du goût de l’administration de l’école. La direction n’a pas hésité à envoyer la police réprimer les étudiant-es à plusieurs reprises. L’usage de la force n’ayant visiblement pas été efficace pour faire taire la solidarité, ils ont maintenant recours à leur dernière carte : une saisie de la section disciplinaire. (...)
À Reims, on devait passer deux barrages de police pour passer un examen. On devait montrer notre carte d’identité, notre carte étudiante, le mail de convocation pour l’examen et nos sacs étaient fouillés. Moi, ils ont failli ne pas me laisser rentrer car je passais un rattrapage donc mon mail de convocation ne ressemblait pas aux autres. C’était du délire.
Le pire c’était le jour du boycott, le 7 mai. Des camarades qui bloquaient l’entrée le matin se sont fait traîner par la police sur plusieurs mètres, il y eu deux blessés qui sont toujours suivis médicalement à cause de ça. Quand je suis arrivée, il y avait la gendarmerie à l’entrée de la fac et à l’entrée du bâtiment. Ils étaient tous armés, équipés avec des casques, des boucliers et des chiens alors que nous on était assis dans l’herbe. Les gens faisaient des crises d’angoisse et de pleurs partout à cause de la police, et aucune personne ne venait les aider. Les gendarmes nous regardaient et se moquaient à voix haute des gens en pleurs, c’était terrifiant. L’administration se tenait à côté d’eux et ne bougeait pas”.
Un contexte explosif à Sciences Po (...)
C’est la première fois depuis mai 68 que la police met les pieds dans l’enceinte de l’établissement pour réprimer une mobilisation. Sciences Po s’est toujours vantée de l’engagement politique de ses élèves, mais le tournant autoritaire et répressif que prend l’école est assez inquiétant… (...)
La situation du réseau Sciences Po est donc assez inédite, avec 25 saisies disciplinaires, la police au sein du campus de Paris et devant les examens à Reims, et même la délocalisation des examens, encore à Reims, pour empêcher tout blocage. Ce niveau de répression montre que l’engagement pour la Palestine n’est pas anodin, et que le pouvoir à peur d’une solidarité qui pourrait fédérer les colères.
Faire le sale boulot du gouvernement
“Pour les mouvements féministes, que ce soit ceux contre Mathias Vicherat ou contre Frédéric Mion avant ça, on n’a pas du tout connu la même répression. Bien sûr qu’il y avait un rapport de force avec l’administration, c’est le principe même des blocages et autres actions, mais là, pour le mouvement pour la Palestine, c’était du jamais vu. (...)
Sciences Po assume donc perdre son indépendance académique vis-à-vis du gouvernement, n’autorisant les contestations étudiantes que lorsqu’elles sont internes au réseau, ou lorsqu’elles ne sont pas trop critiques de la politique de Macron, n’hésitant pas à envoyer les CRS sur ses étudiant-es lorsque ce n’est pas le cas. (...)