Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
IFREMER/Communiqué
Sur les plages d’Hawaï, 91 % des plastiques sont enfouis dans le sable
#pollution #plastiques #Hawai #plages
Article mis en ligne le 11 juin 2025
dernière modification le 9 juin 2025

Les modèles mondiaux sur la pollution plastique des océans montrent que les deux tiers des microplastiques s’accumulent sur les plages et les côtes. Mais que deviennent-ils ? C’est la question que se sont posés des chercheurs de l’Ifremer, de Hawaiʻi Pacific University et de The Ocean Cleanup dans le cadre du projet international STORAGE, dont deux publications viennent de paraître dans les revues Marine Pollution Bulletin et Microplastics and Nanoplastics. Ils ont passé au peigne fin 3 plages d’Hawaï, situées en face du 7ème continent, ce vortex de déchets qui occupe environ 1,6 million de km² dans l’océan Pacifique Nord. Ces chercheurs révèlent que les plastiques sont majoritairement enfouis dans le sable et présentent un risque fort de se fragmenter en microplastiques secondaires de moins de 5 mm de diamètre.

La quasi-totalité de la pollution plastique enfouie dans le sable

Du fait du vent et des fortes vagues, les plastiques, provenant de sources lointaines, arrivent en nombre important sur les plages d’Hawaï. Au cours d’une étude entre 2022 et 2024, des échantillons ont été prélevés sur trois plages de l’île d’Oahu à Hawaï (Kahuku et Kokololio au nord et Waimānalo au sud), une fois tous les trois mois. Les échantillons ont été collectés dans des colonnes de sable d’un mètre de profondeur à trois endroits différents pour une meilleure représentativité, en prélevant séparément une couche de surface (0-2 cm), puis tous les 10 cm jusqu’à un mètre.

Les résultats ont démontré que 91 % des plastiques se trouvaient sous la surface du sable jusqu’à 1 mètre de profondeur. En général, les concentrations de plastiques sont plus élevées dans la première partie de la colonne, mais avec des pics de concentration entre 60 et 90 cm de profondeur. La majorité des particules de plastique identifiées dans les colonnes de sable étaient de petits fragments, composés principalement de polypropylène et polyéthylène.

Cette étude sur la présence de plastiques enfouis sous la surface jusqu’à un mètre de profondeur est une première à Hawaï. Les résultats rejoignent ceux des quelques études similaires ayant été réalisées aux Açores, au Brésil et en Russie.

Les plages d’Hawaï nous montrent que se concentrer uniquement sur les plastiques en surface conduit à sous-estimer la quantité totale de plastiques présents sur les plages. Cette découverte nous donne une nouvelle perspective pour comprendre l’ampleur de la pollution plastique et son impact. Cette étude suggère une corrélation entre la taille des particules plastiques et la granulométrie du sable, offrant de futures pistes de recherche.

Astrid Delorme,Lauréate Marie Skłodowska Curie et chercheuse en chimie au sein du laboratoire Structures, Matériaux Avancés et Sollicitations Hyperbares de l’Ifremer

Les plages, sites de fragmentation des plastiques

La deuxième publication scientifique se concentre sur l’analyse de l’état de dégradation des plastiques et sur l’étude de la relation entre la fragilité, la dégradation et le potentiel de fragmentation de ces derniers, un sujet complexe en raison de la diversité des types de plastiques liée à leurs compositions respectives. De 2022 à 2024, les chercheurs se sont intéressés à des plastiques collectés dans le cadre de la première étude ci-dessus, en moyenne de 5 à 6 mm, de polyéthylènes (PE) et polypropylènes (PP), plastiques les plus communément utilisés et retrouvés à Hawaï.

Il est difficile de mesurer la fragilité des échantillons plastiques dans l’environnement en raison de leur forme irrégulière, car pour étudier leur fragilité, il est nécessaire de considérer des formes et des tailles standardisées. Pour contourner cette limitation, les chercheurs ont utilisé la spectroscopie infrarouge qui a permis, d’une part, d’évaluer le degré de vieillissement et, d’autre part, de déterminer la fragilité des plastiques en appliquant une pression constante. Puis, la chromatographie par perméation de gel (GPC), réalisée en laboratoire, a confirmé que les plastiques se fragmentant sous la pression du spectromètre présentaient une masse moléculaire inférieure à une masse critique, attestant de leur fragilité accrue.

Les résultats de cette étude montrent que 92 % des plastiques trouvés sur les plages d’Hawaï sont fragiles, probablement en raison de leur exposition prolongée à l’environnement. La fragilité accrue des plastiques les rend plus susceptibles de se fragmenter en microplastiques secondaires plus petits voire en nanoplastiques, et ainsi de se disperser facilement dans l’écosystème. De ce fait, les plages deviennent des sites d’accumulation de microplastiques.

Il est crucial de nettoyer les plages avant que les plastiques ne deviennent des micro et nanoplastiques, car une fois fragmentés, ils deviennent plus difficiles à éliminer. Mais la véritable solution, pour préserver nos écosystèmes marins et côtiers, réside dans la production de plastiques plus encore que dans la réduction de rejets.

Astrid Delorme, Lauréate Marie Skłodowska Curie et chercheuse en chimie au sein du laboratoire Structures, Matériaux Avancés et Sollicitations Hyperbares de l’Ifremer