
Kamel est Ivoirien. En 2023, il quitte son pays pour se rendre au Maroc puis en Tunisie dans l’espoir de rejoindre l’Europe. Durant son parcours migratoire, le jeune homme a dû faire appel à plusieurs passeurs pour passer les frontières et traverser le désert. "Une expérience désastreuse", explique-t-il rappelant qu’il ne "faut jamais faire confiance" aux trafiquants. Témoignage.
"On était en 2023, j’ai appelé un passeur, il était Guinéen mais il travaillait avec une filière marocaine. Il m’a demandé 2 000 dirhams marocains, environ 200 euros, pour traverser le poste-frontière. J’ai payé évidemment, j’avais confiance en lui.
Le soir du passage, nous étions nombreux. Il y avait 200 ou 300 personnes. Il faisait nuit noire. Le passeur était là, il nous a rassurés, il nous a dit qu’il resterait avec nous jusqu’à notre arrivée en Algérie de l’autre côté.
Et en fait, il a disparu au bout de quelques temps. Il s’est mêlé à la foule et puis d’un coup, il a disparu, je pense que quelqu’un l’attendait non loin de là.
Il a évidemment disparu avec tout notre argent.
"Des Algériens nous ont vus et nous ont renvoyés au Maroc"
On a été obligés de se débrouiller tout seuls. Mais on était un peu perdus, on ne savait pas trop où aller, alors on a marché tout droit. Évidemment, ça n’a pas fonctionné comme prévu. Les gardes-frontières marocains nous ont vus, et ils nous ont arrêtés.
Ce fut la première déception. Pour moi, les passeurs étaient fiables. Je ne savais pas qu’ils pouvaient arnaquer les gens. (...)
Quand les militaires marocains nous ont arrêtés, ils ont été plutôt gentils. Ils nous ont dit qu’ils pouvaient nous faire passer la frontière mais qu’il fallait "travailler" pour eux avant. Pendant 24h, on a donc lavé différents postes-frontières de la région, des sortes de commissariats. On a nettoyé les bureaux, les toilettes, on faisait leur vaisselle, et plein de corvées de ce genre.
Vers 1h du matin, le lendemain, ils ont tenu parole, ils ont ouvert les barrières de la frontière. Mais les Algériens n’étaient pas vraiment loin, ils étaient juste plus haut sur une colline. Ils nous ont très vite repérés avec leurs énormes lampes-torches qu’ils braquaient sur nous.
Ils nous ont arrêtés et ils nous ont battus. Ils ont pris nos portables. Puis ils nous ont renvoyés au Maroc. Seulement, les Marocains avaient changé de comportement. Ils ne voulaient plus de nous. Ils nous ont dit : "Pourquoi vous revenez ? Repassez en Algérie ! Si on vous voit encore, on voue tue !"
J’étais désespéré. Finalement un groupe de migrants soudanais nous a aidés. Ils connaissaient un autre chemin. Ils n’ont rien demandé, pas d’argent, pas de service. Ils voulaient juste nous aider. On a réussi à passer en Algérie avec eux. (...)
Personne ne nous avait dit qu’il faudrait repayer. C’est toujours comme ca avec les passeurs. Il y a des ramifications, d’autres passeurs qui vous demandent toujours plus d’argent. Les passeurs, ils sont tous pareils, tous malhonnêtes.
Si je devais donner un conseil à un candidat au départ illégal : je lui dirais de tout arrêter. De tenter d’obtenir un visa, de partir par avion."