
C’est un récit rare et bouleversant qui donne à voir la destruction de Gaza. Dans Un historien à Gaza, paru le 28 mai (éd. Les Arènes), le professeur à Sciences Po Jean-Pierre Filiu raconte le mois qu’il a passé dans l’enclave du 19 décembre 2024 au 21 janvier 2025. Depuis l’attaque terroriste du 7-octobre 2023, l’armée israélienne y interdit l’accès aux reporters étrangers, tandis que les journalistes gazaouis paient un prix élevé, au moins 200 sont morts selon Reporters sans frontières. Une interdiction qui empêche une information indépendante d’être diffusée.
Cette immersion constitue un témoignage important pour comprendre la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza et ses conséquences sur les populations civiles.
Dans un convoi de Médecins sans frontières
Entré de nuit et à pied à Rafah, entre les phares de deux jeeps de l’armée israélienne, il accompagne un convoi de Médecins sans frontières. (...)
Pourquoi se rendre à Gaza ? « Il était intolérable pour moi de suivre cette tragédie de loin », a expliqué l’historien, qui ne donne pas d’interview à la presse écrite, au micro de France Inter le 26 mai. Sur place, il accompagnait aussi des projets de l’ONG, à qui il a décidé de reverser l’entièreté des bénéfices de la vente du livre.
« Une litanie de ruines » (...)
Plus d’un million de personnes déplacées a trouvé un refuge précaire à Mawassi, une bande côtière d’une quinzaine de kilomètres, où s’entasse une mer de toiles de tentes. Dans l’enclave, rappelle l’universitaire, 85 % de la population avait été déplacée début 2024, à la suite des ordres d’évacuation successifs. Nombre d’entre eux ont dû être déplacés jusqu’à une dizaine de fois. Jean-Pierre Filiu y décrit « une humanité abandonnée qui va et vient, souvent sans autre but que d’attendre durant des heures assez d’eau ou de nourriture pour tenir jusqu’au lendemain ». (...)
Plus d’un million de personnes déplacées a trouvé un refuge précaire à Mawassi, une bande côtière d’une quinzaine de kilomètres, où s’entasse une mer de toiles de tentes. Dans l’enclave, rappelle l’universitaire, 85 % de la population avait été déplacée début 2024, à la suite des ordres d’évacuation successifs. Nombre d’entre eux ont dû être déplacés jusqu’à une dizaine de fois. Jean-Pierre Filiu y décrit « une humanité abandonnée qui va et vient, souvent sans autre but que d’attendre durant des heures assez d’eau ou de nourriture pour tenir jusqu’au lendemain ». (...)
Les témoignages « violents et terribles » se bousculent auprès de celui qui est arabisant : les fuites, les morts, les disparus, les déplacements. La vie dans ce camp de réfugiés relève d’une survie quotidienne. (...)
Il y raconte l’humidité persistante, la rareté de l’eau potable, l’absence d’intimité, la promiscuité, les rumeurs, les rancœurs et les disputes, les pillages des convois humanitaires « avec la complicité d’Israël ». Mais il y cherche aussi les restes de vie, des Palestiniens qui restent « dignes et droits, courtois et même parfois souriants, comme s’ils émergeaient d’une réalité apaisée, et non de l’interminable cauchemar qu’est devenue Gaza ».
Une « guerre inhumanitaire »
Il détaille aussi la destruction du système de santé, alors que quelques hôpitaux fonctionnent très partiellement, après avoir été attaqués, contrairement au droit international humanitaire. A la différence d’autres terrains de guerre, où il a pu se rendre, il exprime le choc, à Gaza, du « caractère systématique, méthodique, massif de la destruction, qui est de l’ordre de la volonté humaine ». (...)
Jean-Pierre Filiu a choisi de terminer d’écrire son livre à Kiev en Ukraine, expliquant sur France Inter, qu’il faut agir sur les deux terrains. « Il faut avoir peur de ce qui est arrivé à Gaza, car c’est le laboratoire d’un monde sans loi », alerte-t-il. (...)
– Voir la video de France24 (1’04)
Un historien raconte Gaza : "Ce qui se passe à Gaza est un danger pour l’humanité"
lire aussi :
– (Editions Les Arènes)
Jean-Pierre Filiu : Un historien à Gaza
Un témoignage de première main.
« Vous avez voulu l’enfer, vous aurez l’enfer. »
C’est en ces termes que l’armée israélienne a déclenché sa guerre contre la bande de Gaza après les attentats du 7 octobre 2023. Une guerre qui, malgré sa violence, sa durée et ses répercussions planétaires, se déroule à huis clos. Aucun journaliste ou reporter étranger n’a accès à l’enclave palestinienne. Tout ce que nous savons de Gaza est raconté de l’extérieur.
Pourtant, en décembre 2024, Jean-Pierre Filiu a réussi à se rendre dans la bande de Gaza pour y vivre pendant un peu plus d’un mois. Il connaît intimement ce territoire, sa géographie et son peuple, dont il parle la langue. Sur place, l’historien s’est fait enquêteur. (...)