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Mediapart
Un procès criminel requis contre le policier qui a éborgné Jérôme Rodrigues
#JeromeRodrigues #giletsjaunes #violencespolicieres
Article mis en ligne le 2 octobre 2024
dernière modification le 29 septembre 2024

Le parquet de Paris demande le renvoi devant la cour criminelle de deux policiers ayant blessé des « gilets jaunes » le 26 janvier 2019, place de la Bastille, dont celui qui a atteint Jérôme Rodrigues à l’œil droit avec une grenade de désencerclement.

Le 26 janvier 2019, Brice C., policier à la compagnie de sécurisation et d’intervention des Hauts-de-Seine (CSI 92), est envoyé sur sa première manifestation de « gilets jaunes » à Paris. Il n’a pas encore 30 ans et aucune expérience en maintien de l’ordre quand il lance la grenade de désencerclement qui éborgne Jérôme Rodrigues, l’un des piliers du mouvement qui a commencé deux mois plus tôt, sur la place de la Bastille.

Dans son rapport transmis à la hiérarchie le jour même, le fonctionnaire justifie son tir par un contexte « hostile » et se doute, déjà, qu’il est à l’origine de cette blessure. Il a fallu cinq ans et demi à la justice pour en être convaincue. Vendredi 20 septembre, le parquet de Paris a requis un procès contre Brice C. pour des « violences avec arme, par personne dépositaire de l’autorité publique, ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente », passibles de quinze ans de prison, devant la cour criminelle départementale.

Il demande aussi que l’un de ses collègues, Baptiste R., pour sa part membre de la CSI 93 et âgé de 41 ans aujourd’hui, soit jugé à ses côtés pour avoir blessé un autre manifestant au même moment et au même endroit. Touché à la jambe droite par un tir de LBD, Michaël L. s’était vu attribuer cinq jours d’interruption totale de travail (ITT).

Les deux policiers, sous contrôle judiciaire depuis leur mise en examen en janvier 2021, sont présumés innocents. Au cours de l’enquête, ils ont invoqué la légitime défense (...)

Les tensions se sont concentrées sur la place de la Bastille, que les forces de l’ordre ont reçu la consigne de « nettoyer » en enchaînant les « bonds offensifs » – une technique assumée, à l’époque, par le préfet Didier Lallement. Entre 16 h 15 et 17 h 40, treize tirs de LBD ont eu lieu sur la place qu’il fallait « vider ».

L’instruction, qui a duré quatre ans, a pu s’appuyer sur de nombreux éléments (...)

« Ni assaillis ni encerclés » (...)

Si le parquet rappelle que ces policiers sont intervenus « pendant de longues heures » dans des « conditions particulièrement difficiles », et s’estiment mal formés au maintien de l’ordre, il retient aussi que Jérôme Rodrigues et Michaël L. « n’ont pas eu un comportement agressif ou même menaçant à l’égard des forces de l’ordre en dehors d’invectives » et écarte la légitime défense. En l’absence d’ordre de la hiérarchie et de sommations, c’était le seul motif susceptible de leur éviter des poursuites. (...)

De la même façon, il conclut à « l’absence de menace » sur Baptiste R., le « seul » policier à avoir fait usage de son LBD à cet instant. Dans son cas, le parquet pointe aussi des « variations » dans ses déclarations, entre ce qu’il a déclaré dans son rapport, devant l’IGPN et face au magistrat instructeur.

En revanche, le parquet ne retient pas l’hypothèse selon laquelle Jérôme Rodrigues aurait pu être délibérément visé, en tant que figure médiatique au sein des gilets jaunes, son nom n’étant jamais mentionné dans les enregistrements de caméra-piéton ni sur les ondes radio. (...)

En parallèle de l’enquête judiciaire, l’enquête administrative a conclu à un « usage disproportionné de la force » par Brice C., qui est passé devant un conseil de discipline le 15 avril 2021. Faute de majorité, celui-ci n’a toutefois pas réussi à formuler la moindre proposition de sanction au ministre de l’intérieur, qui a dû décider lui-même de son sort : une exclusion temporaire de quinze jours, dont cinq ferme.

En ce qui concerne Baptiste R., le conseil de discipline a proposé une exclusion temporaire de huit jours, dont trois ferme, pour son « manque de discernement » (...)