
StopClub, une application brésilienne, pourrait changer considérablement la donne pour les chauffeurs de VTC. Pour l’instant indisponible en France, elle donne tout de même de l’espoir aux travailleurs des plateformes.
C’est l’histoire des petits chauffeurs contre une grande plateforme, aidés par deux entrepreneurs de Rio, au Brésil. Une application états-unienne contre une brésilienne, une conçue pour le profit du géant Uber, l’autre pour essayer de faire mieux vivre les chauffeurs. Les créateurs de la seconde, Pedro Indana et Luis Neves sont issus de la grande bourgeoisie brésilienne. Autant dire qu’il « n’auraient jamais imaginé devenir des héros du prolétariat », ironise la revue en ligne indépendante brésilienne Piauí. (...)
Le statut d’indépendant des chauffeurs impliquerait qu’ils fixent eux-mêmes leurs tarifs et conditions de travail. Mais c’est de fait Uber qui décide du prix des courses à chaque fois. Lorsqu’un travailleur reçoit la notification d’une nouvelle course, le parcours et la durée du trajet s’affichent sur son écran de smartphone. Le montant se base sur cette durée, en prenant en compte une estimation des embouteillages, mais aussi du parcours – qui inclut parfois des routes interdites aux VTC, comme les voies de taxi ou de bus. (...)
Selon Brahim Ben Ali, représentant de chauffeurs VTC et fondateur d’un syndicat français indépendant pour les travailleurs des plateformes, ces approximations sont peu fiables (...)
StopClub a été créée en 2017 par ces deux entrepreneurs brésiliens partant du constat que les travailleurs d’Uber étaient isolés et précaires dans leur activité, raconte Piauí. D’abord, ils ont créé un lieu où les chauffeurs pouvaient se retrouver (...)
Pedro Indana et Luis Neves convertissent alors leur projet en application, permettant aux chauffeurs d’échanger avec leurs collègues à proximité ou d’enregistrer en vidéo les courses, par souci de sécurité. « Au fil du temps, les pilotes eux-mêmes ont commencé à suggérer la création d’un outil pour calculer les gains des courses », dit Pedro Indana à Piauí.
En mars 2023, les concepteurs de l’application décident donc d’y ajouter cette fonction. StopClub fonctionne en parallèle de Uber et affiche, de manière lisible au-dessus de l’application Uber, le bénéfice estimé de la course pour le chauffeur. L’application intègre même la possibilité de refuser automatiquement une course si ce montant est trop bas.
Cette fonctionnalité a permis un bon dans les téléchargements de l’application. La revue brésilienne affirme que StopClub est passé de 87 000 utilisateurs en février 2023 à 530 000 en septembre 2023. « Tout le monde était content, sauf Uber bien sûr », écrit le média indépendant. (...)
La plateforme états-unienne décide de saisir la justice brésilienne, plus précisément la Cour de justice de São Paulo, en juillet dernier. « Ils ont allégué que l’entreprise avait interféré avec le fonctionnement régulier de l’application Uber et accédé illégalement aux informations privées de ses utilisateurs », rapporte. Mais StopClub affirme se baser uniquement sur les données en accès libre de la plateforme américaine. Uber demande de son côté la suspension immédiate de la fonction de calcul de rentabilité des courses – ce que l’entreprise brésilienne refuse.
Le 4 août, le tribunal a donné raison à Uber et ordonné la suspension de cette fonction ainsi que du refus automatique des courses. (...)
« Ce que veut Uber aujourd’hui, c’est proposer les trajets les moins chers possibles, affirme Brahim Ben Ali, représentant de chauffeurs VTC en France. Ils mènent une guerre pécuniaire avec leurs concurrents. Les travailleurs ne comptent pas. » L’homme illustre son propos avec une nouveauté qu’Uber veut importer en France : le « trip radar ».
Testé aux États-Unis, cette nouvelle fonctionnalité propose en simultané des courses à plusieurs travailleurs de la plateforme (chauffeurs ou livreurs de repas) dans une même zone. Normalement, une course est proposée à une personne à la fois. Si elle est refusée, elle est passée à un autre travailleur. Avec le « trip radar », c’est « premier arrivé, premier servi ». « Les chauffeurs garderont les yeux rivés sur le smartphone. C’est un danger », alerte Brahim Ben Ali. (...)
En Europe, une directive européenne en discussion depuis deux ans visait à renforcer les droits des travailleurs ubérisés face aux plateformes qui les emploient. Malgré l’accord de la Commission et du parlement européen, celle-ci a finalement été rejetée par les gouvernements de plusieurs Etats-membres, dont l’Italie, la Hongrie – gouvernés par l’extrême droite – et... la France.