
À l’heure où l’Union européenne vient d’être « mise en demeure pour manquement à son obligation d’agir face au risque avéré de génocide à Gaza » un large ensemble d’enseignant·es et chercheur·es, français·es et japonais·es, appelle à des décisions fortes du gouvernement français. « Quel niveau supérieur de ravage devra-t-on atteindre pour que la France emboîte le pas des pays ayant rejoint l’Afrique du Sud, dans sa saisine,de la Cour internationale de Justice ? »
Une communauté : c’est ce qu’ont formé, en l’espace de quelques jours, dans un pays réputé peu enclin aux prises de position publiques, de nombreux.ses intellectue.le.s japonais.e.s francophones atterré.e.s par la situation à Gaza, autour de cette tribune et aux côtés de leurs collègues français.es, avec lesquel.le.s ils partagent non seulement le quotidien universitaire mais aussi les valeurs historiquement attachées à la France : respect du droit international, liberté d’expression et liberté d’informer, exigence de justice, défense des opprimés... Toutes et tous, profondément inquiets, voulons rester confiants et appelons à des décisions fortes du gouvernement français.
À l’heure où l’Union européenne vient d’être « “mise en demeure” pour “manquement” à son “obligation d’agir face au risque avéré de génocide à Gaza” » (Le Monde, 18 mai 2025), nous, enseignant.e.s et chercheur.e.s, français.e.s et japonais.e.s, spécialistes des cultures et sociétés francophones, dans le souvenir encore vif de la douleur et de l’atterrement ressentis lors du massacre terroriste perpétré par le Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, sur des hommes, des femmes et des enfants, dénonçons tout aussi fermement la politique agressive, sans mesure aucune, guidée par l’esprit de vengeance et d’annexion plutôt que par une nécessité strictement défensive, et contraire en tous points aux conventions du droit international, engagée par le gouvernement suprémaciste de Benjamin Netanyahou.
Depuis longtemps alarmés par le ciblage des populations civiles de Gaza, la décimation de familles entières, le nombre effarant d’enfants tués, blessés, mutilés, traumatisés à vie (50 000 selon l’UNESCO, mai 2025), par l’ampleur enfin des destructions matérielles dont le monde entier a reçu, en dépit d’un implacable blocus médiatique et d’une exceptionnelle hécatombe parmi les journalistes locaux, des images accablantes, nous avons compris que cette réplique militaire dépassait de très loin l’objectif initial d’éradication du terrorisme et de libération des otages israéliens, par lequel s’est incessamment justifié et se justifie encore le premier ministre.
Elle s’avance désormais, et de manière de plus en plus désinhibée dans les déclarations publiques des autorités en place, avec les armes de la famine, du déplacement forcé, voire de la déportation de masse, avec l’arsenal de brutalité inhérent aux conquêtes territoriales, comme une entreprise de destruction systématique d’un peuple, qui n’a plus rien à voir avec le droit d’un État à protéger son intégrité.
Quel niveau supérieur de ravage devra-t-on atteindre pour que la France, qui officiellement affirme vouloir « se mobiliser pour la mise en œuvre de la solution à deux États » (Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères), et à sa suite les nombreux autres soutiens d’une guerre présentée par Benjamin Netanyahou comme de « légitime défense » (Le Monde, 29 avril 2024), emboîte le pas des quinze pays ayant à ce jour rejoint l’Afrique du Sud, dans sa saisine, dès décembre 2023, de la Cour internationale de Justice ?
Les Nations Unies le rappellent, par la voix du Centre régional d’information pour l’Europe occidentale : « Pretoria accuse Israël de violer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans son assaut militaire à Gaza » (6 mars 2025).
L’enjeu majeur était donc d’anticiper. Il s’est agi pour le Nicaragua, et successivement pour la Belgique, la Colombie, la Libye, l’Égypte, le Mexique, la Palestine, l’Espagne, la Turquie, le Chili, les Maldives, la Bolivie, l’Irlande, Cuba et Bélize, d’initier un mécanisme juridique d’alerte afin de stopper un processus embryonnaire — plus clairement dit : afin d’éviter la réalisation d’un génocide. Le gouvernement Netanyahou a dès lors été invité à prendre des mesures provisoires.
Non seulement il n’en a rien fait, mais encouragé par les projets d’accaparement du président Donald Trump, il multiplie les dévastations (...)
Quelle nouvelle preuve d’anéantissement faudra-t-il donc aux États pour qu’ils appliquent la lettre et l’esprit de cette Convention, dont on se doit de rappeler ici qu’elle fut signée, entre autres, par Israël, les États-Unis et la France, dans la sidération de l’après-guerre, puis ratifiée par eux, leur imposant par conséquent une obligation tant morale que juridique ? Il nous paraît irresponsable, et pour tout dire logiquement aberrant, de vouloir s’en remettre aux « historiens,en temps voulu » (Emmanuel Macron, 13 mai 2025), pour caractériser après coup — au mieux
donc : pour rien, et au pire : trop tard —, un crime de masse que le recours immédiat et sans réserve au droit, assorti de la reconnaissance d’un État palestinien, d’un embargo sur les armes et de sanctions adaptées, auraient sans doute le pouvoir d’enrayer.
Toutes mesures auxquelles, dans l’urgence, nous appelons avec vigueur. Il y va des principes d’humanité et de droit que nous nous attachons à illustrer et à faire rayonner par notre enseignement et nos recherches.