
En pleine guerre génocidaire à Gaza, les œuvres des artistes palestiniens exposés par la Fondation d’art de Charjah à sa 16e biennale, aux Émirats arabes unis, font effraction et viennent s’imposer au spectateur.
Lina Attalah a été convoquée pour un interrogatoire, le 4 août, par le parquet général. Elle est accusée de gérer un média sans licence, et de diffuser de fausses nouvelles à des fins de déstabilisation. Cela fait suite à la publication, la semaine dernière, d’un article sur les conditions de détention des prisonniers politiques au sein de la prison Badr 3. Elle a pour l’heure été libérée sous caution.
« To carry » (« Transporter »), c’est le titre de la 16e biennale de Charjah, organisée du 6 février au 15 juin par la Fondation d’art de Charjah et portée par cinq curatrices : Alia Swastika, Amal Khalaf, Megan Tamati-Quennell, Natasha Ginwala et Zeynep Öz. Que transportons-nous lorsque le moment est venu de partir ? Les 650 œuvres des près de 200 artistes exposés tentent d’y répondre : To carry… a home (une maison)/a history (une histoire)/a trade (un commerce)/a wound (une blessure)…
Une question, et des réponses, qui trouvent une résonance particulièrement forte dans les œuvres des artistes palestiniens.
Les œuvres sauvées
L’école Al-Qasimiya, désaffectée puis rénovée en 2019 par la Fondation d’art de Charjah, abrite les œuvres les plus puissantes de cette édition, en résonance profonde avec celles et ceux qui vivent dans l’impuissance du témoignage face au génocide israélien à Gaza – un génocide dont la proximité, à la fois géographique et psychique, produit une véritable « hantologie »
Les artistes peintres plasticiens contemporains gazaouis Mohammed Al-Hawajri et Dina Mattar, couple à la ville, ont été invités à exposer les œuvres qu’ils ont réussi à sauver lors de leur fuite des frappes aériennes israéliennes sur le camp de Bureij, à Deir El-Balah. Al-Hawajri expose plusieurs de ses sculptures à base d’os encrés, ainsi qu’une peinture saisissante de leur fuite – une scène également présente dans les œuvres de Dina Mattar et dans une vidéo réalisée par le fils aîné des deux artistes, Ahmed. Leurs enfants plus jeunes, Mahmoud et Lea, contribuent aussi à l’exposition : le premier avec des marionnettes artisanales aux grands yeux fixes, et la seconde avec des dessins de maisons, d’oiseaux et de soleils, ornés de collages de pétales de bougainvilliers. (...)
Ces œuvres charrient davantage que l’intention artistique ; leur parcours de fuite fait désormais partie d’elles. Elles portent la complexité du fait de survivre au milieu d’un génocide – l’horreur encore indescriptible, la fugacité à laquelle elles aspirent.
Ce qu’il reste
Al-Qasimiya accueille aussi « What’s Left ? »(« Que reste-t-il ? ») de la chanteuse et artiste sonore palestinienne Bint Mbareh. Cette œuvre créée en 2025 s’inspire de ses recherches sur les pratiques de chants communautaires liés à la pluie en Palestine. Parmi ses sources d’inspiration, les chants révolutionnaires, dont l’emblématique « L’heure de la libération a sonné », utilisé également dans le film documentaire du même nom de la réalisatrice libanaise Heiny Sorour, sorti en 1974, sur la rébellion du Dhofar contre les colonisateurs britanniques à Oman. Profondément contemporaine, l’œuvre parvient à renverser la donne de la nostalgie. (...)