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Dans les algorithmes
Vectofascisme
#fascisme #algorithmes #vectofascime
Article mis en ligne le 31 mars 2025
dernière modification le 25 mars 2025

Le technofascisme n’est pas une résurgence du fascisme du XXe siècle, mais bien une « transformation structurelle dans la manière dont le pouvoir se constitue, circule et s’exerce », explique Gregory Chatonsky.

Dans son passionnant journal, qu’il produit depuis plus de 10 ans, l’artiste Gregory Chatonsky tient le carnet d’une riche réflexion de notre rapport aux technologies. Récemment, il proposait de parler de vectofascisme plutôt que de technofascisme, en livrant une explication et une démonstration passionnante qui nous montre que ce nouveau fascisme n’est pas une résurgence du fascisme du XXe siècle, mais bien une « transformation structurelle dans la manière dont le pouvoir se constitue, circule et s’exerce ». Tribune.

Comme annoncé par Vilèm Flusser nous sommes entrés dans l’ère post-alphabétique. Les appareils nous programment désormais autant que nous ne les programmons. Dans cet univers techno-imaginal où l’ensemble de nos facultés sont traversées par les technologies, la question du fascisme se pose différemment. Qualifier un phénomène contemporain de “fasciste” n’est ni un simple détournement sémantique ni une exactitude historique. C’est plutôt reconnaître une certaine disposition affective qui traverse le socius, un réarrangement des intensités désirantes sous de nouvelles conditions techniques.

Le second mandat Trump n’est pas un “retour” au fascisme – comme si l’histoire suivait un schéma circulaire – mais une réémergence fracturée dans un champ techno-affectif radicalement distinct. Le préfixe “vecto-”, hérité de Wark McKenzie, indique précisément cette transformation : nous ne sommes plus dans une politique des masses mais dans une politique des vecteurs, des lignes de force et des intensités directionnelles qui traversent et constituent le corps social algorithmisé.

Même parler de “masses” serait encore nostalgique, un concept résiduel d’une époque où la densité physique manifestait le politique. Aujourd’hui, la densité s’exprime en termes d’attention agrégée, de micro-impulsions synchronisées algorithmiquement en l’absence de toute proximité corporelle. Les corps n’ont plus besoin de se toucher pour former une force politique ; il suffit que leurs données se touchent dans l’espace latent des serveurs. Cette dématérialisation n’est pas une disparition du corps mais sa redistribution dans une nouvelle géographie computationnelle qui reconfigure les coordonnées mêmes du politique. D’ailleurs, quand ces corps se mobilisent physiquement c’est grâce au réseau.

Dans cette recomposition du champ social, les catégories politiques héritées perdent leur efficacité descriptive. Ce n’est pas que les mots “fascisme” ou “démocratie” soient simplement désuets, c’est que les phénomènes qu’ils désignaient ont subi une mutation qui nécessite non pas simplement de nouveaux mots, mais une nouvelle grammaire politique. Le préfixe “vecto-” n’est pas un ornement conceptuel, mais l’indicateur d’une transformation structurelle dans la manière dont le pouvoir se constitue, circule et s’exerce. (...)

Sommaire

— Définitions
— Des masses aux vecteurs
— Le culte du chef
— La dissolution du rapport à la vérité
— La désignation de boucs émissaires
— L’industrialisation du différend
— “Je ne suis pas ici”
— Le second mandat Trump
— Le contrôle vectoriel
— De la facticité
— En finir

(...)

Contrairement au fascisme historique, centré sur la mobilisation physique des masses et l’occupation matérielle de l’espace public, le vectofascisme opère principalement par la reconfiguration de l’architecture informationnelle et attentionnelle. Cependant, il repose fondamentalement sur une mobilisation matérielle d’un autre ordre : l’extraction intensive de ressources énergétiques et minérales (terres rares, lithium, cobalt, etc.) nécessaires au fonctionnement des infrastructures numériques qui le soutiennent. Cette extraction, souvent délocalisée et invisibilisée, constitue la base matérielle indispensable de la superstructure informationnelle, liant le vectofascisme à des formes spécifiques d’exploitation environnementale et géopolitique qui alimentent les machines computationnelles au cœur de son fonctionnement. »