
Trois personnes ont été condamnées lundi par le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne à de la prison ferme pour avoir exploité une cinquantaine de travailleurs, souvent sans-papiers, originaires du Mali, de Mauritanie, de Côte d’Ivoire ou encore du Sénégal, lors des vendanges 2023 dans le vignoble champenois.
Trois personnes ont été condamnées lundi 21 juillet en France à de la prison ferme pour traite d’êtres humains. Ils avaient exploité - et hébergé dans des conditions indignes - une cinquantaine de travailleurs africains, souvent sans-papiers, lors des vendanges 2023 dans le prestigieux vignoble de Champagne. Leur procès avait eu lieu le 19 juin 2025.
Principale prévenue, la dirigeante d’une société de prestations viticoles, originaire du Kirghizistan, a été condamnée par le tribunal de Châlons-en-Champagne (nord-est) à quatre ans de prison dont deux ferme avec mandat de dépôt (incarcération immédiate).
Elle était également poursuivie pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans autorisation avec une "rétribution inexistante ou insuffisante". L’inculpée avait nié lors du procès être à l’origine des conditions d’hébergement des vendangeurs et renvoyé la balle aux deux autres prévenus. "Ma cliente est la coupable idéale pour une filière qui a longtemps fermé les yeux sur ses propres pratiques", a déploré son avocat, Bruno Questel. Estimant la décision "injuste", il annoncé qu’il allait faire appel.
Les deux coprévenus de sa cliente, des trentenaires jugés pour avoir recruté les vendangeurs en région parisienne, ont été condamnés à un an de prison ferme et respectivement deux ans et un an de sursis. Ils devront également verser 4 000 euros à chaque victime.
"Une décision juste" et "exemplaire"
"Cette décision est satisfaisante pour nous. Les gens travaillaient vraiment dans de très mauvaises conditions, cette décision est juste", a réagi l’une des victimes, Amadou Diallo, originaire du Sénégal, âgé de 39 ans. (...)
"On ne pouvait pas respirer"
Les vendangeurs, logés dans une maison en travaux et un hangar, dormaient sur des matelas gonflables à même le sol, avec des douches de fortune, des toilettes inutilisables et de nombreuses anomalies électriques.
"Chaque matin on se réveillait vers 5h. À 6h, on partait dans les vignes, pour démarrer le travail vers 7h30/8h. Pour nous y amener, ils nous mettaient dans des fourgonnettes comme des animaux, il n’y avait pas de siège, rien, on ne pouvait pas respirer", avait confié à InfoMigrants Boureima Kanoute, l’une des 57 victimes. (...)
"Ils nous mettent dans un bâtiment abandonné, pas de nourriture, pas d’eau, rien du tout", avait également témoigné auprès de l’AFP Modibo Sidibe, l’un des vendangeurs, lors du procès. Une autre victime, Camara Sikou, avait répondu au tribunal qui lui demandait comment ils étaient traités : "Comme des esclaves". (...)
Pour la première fois dans un procès sur la question des vendangeurs, le Comité Champagne, qui représente 16 200 vignerons, 130 coopératives et 370 maisons de Champagne, était partie civile.
"Nous nous devions de nous tenir aux côtés des victimes. On ne joue pas avec la santé et la sécurité des saisonniers. On ne joue pas non plus avec l’image de notre appellation", a réagi le Comité après le jugement. "Nous nous porterons systématiquement partie civile si d’autres affaires donnent lieu à des poursuites judiciaires", a-t-il ajouté.
Quatre personnes travaillant à la récolte du raisin sont décédées lors de ces mêmes vendanges 2023 dans la région, lors d’un mois de septembre particulièrement chaud. Ce qui leur ont valu le surnom des "vendanges de la honte".
Une entreprise prestataire et son gérant seront jugés le 26 novembre à Châlons-en-Champagne soupçonnés d’avoir hébergé dans des conditions indignes au moins une quarantaine d’Ukrainiens lors de ces mêmes vendanges.