
Soixante ans après la loi autorisant les épouses à ouvrir leur propre compte bancaire, les associations qui défendent l’autonomie financière des femmes sont au plus mal : baisse de subventions et retard de versements mettent leur existence en péril ainsi que celles qu’elles accompagnent.
« Je voulais quitter mon compagnon, il avait de l’ascendant sur moi. » À 52 ans, Katia choisit ses mots avec prudence et ne veut pas s’étendre sur les violences psychologiques qu’elle a subies. Un harcèlement si effroyable, qu’elle a cherché pendant un an la solution pour s’enfuir. En cachette.
Mais, un soir de 31 décembre, quand son conjoint découvre ses recherches, son SMS menaçant agit comme un déclencheur. Elle part et se rend à la gendarmerie. « Nous vivions ensemble depuis trente ans. Nous avons eu plusieurs enfants. Puis je suis tombée malade. J’avais perdu confiance au niveau social, je n’avais pas compris ce qui m’arrivait. L’important, c’était ma famille, mes enfants, je me suis embourbée. »
Tout est inaccessible financièrement avec un petit salaire
« C’est là que tout a commencé, se souvient soulagée Katia. Je suis tombée sur une juriste formidable ! Elle a compris ma détresse, avec une douceur incroyable. J’étais dans une situation critique, elle m’a exposé plein de pistes. » Discrètement, effaçant quotidiennement ses prospections aux yeux de son compagnon, Katia va chercher un autre logement. Mais tout est inaccessible financièrement avec son petit salaire d’appoint. « Quand on a peur, tout est très compliqué. »
Finalement, elle réalisera qu’elle peut vendre sa maison, et racheter quelque chose « en remboursant jusqu’à (s) es 72 ans », et sauver sa peau. Si le CIDFF lui a redonné de l’assurance, lui expliquant les recours juridiques, l’accompagnant dans ses démarches, celui-ci lui a aussi permis d’entrevoir une nouvelle voie professionnelle, pour acquérir une indépendance financière. (...)
« Faute de moyens, des permanences ferment, des milliers de femmes se retrouvent abandonnées »
Mais tous les établissements dédiés aux femmes et aux minorités de genre sont en danger, comme alertait récemment le Planning familial dans une grande campagne. (...)
L’association girondine a perdu cette année deux équivalents temps plein. Il a fallu se résigner à un licenciement économique. Une décision difficile quand l’un des objectifs du centre est l’insertion dans l’emploi.
« Nos dispositifs sont axés sur les freins spécifiques des femmes »
« Nous travaillons avec des professionnels de l’insertion, insiste Marie-Françoise Raybaud qui a vingt-huit ans de maison. Vous trouverez ici les mêmes prestations que dans d’autres organismes, mais nos dispositifs sont axés sur les freins spécifiques des femmes : la conciliation des temps privé/professionnel, la parentalité, la mobilité, l’estime de soi. Nous les amenons à réfléchir à la mixité des métiers, pour sortir de la précarité liée à des métiers féminins à temps partiel et moins rémunérateurs. » Les entreprises ont aussi leur rôle à jouer dans la formulation de leurs offres d’emploi, dans l’intégration au sein des équipes masculines. (...)
Les conseillers CIDFF interviennent auprès des directions, des métropoles, des centres de formation pour déplacer le regard, bousculer les stéréotypes, souligner les angles morts de la réflexion des DRH. (...)
L’indépendance économique, la clé de l’émancipation
Soixante ans après la loi autorisant les épouses à ouvrir leur propre compte bancaire, l’indépendance économique représente la clé de l’émancipation pour de nombreuses femmes, qui continuent de gagner 22 % de moins que les hommes selon l’Insee. L’orientation scolaire genrée détermine encore trop de parcours voués à la précarité. Ou au burn-out. (...)
La moitié des publics des CIDFF est constituée de familles monoparentales très éloignées de l’emploi. Et la réforme du RSA n’a fait que déstabiliser des équilibres fragiles sans créer d’autonomie. (...)
« Les CIDFF ne mettent pas la pression et restent à l’écoute, reprend la quarantenaire. Ils prennent en compte votre charge mentale, s’adaptent à vos horaires quand vous avez des enfants à la crèche ou en examens. C’est important, les femmes ne sont pas assez écoutées ni entendues. Ce sont des gens comme ça dont la société a besoin. » (...)